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Béla BARTÒK
Divertimento pour cordes, Sz 113, BB 118
Orchestre de la Suisse Romande
Ferenc FRICSAY
8 février 1956, Victoria-Hall, Genève

Le Divertimento pour cordes est l’une des dernières partitions que Béla Bartòk composa en Europe, avant son exil aux Etats-Unis. En novembre 1938, il avait reçu une commande de Paul Sacher, le chef d'orchestre et philanthrope bâlois, assortie d’une offre généreuse: le prêt d’un chalet à Saanen (Gessenay), près de Berne, où il pourrait composer en paix.

Après une tournée de concert internationale frénétique dans la première moitié de 1939, Bartòk put enfin accepter l’invitation de Sacher. Il commença donc de travailler à cette commande au début d'août 1939: malgré le confort de travail dans ce chalet, les quinze jours que dura la composition du Divertimento plongèrent le compositeur dans l’angoisse de la guerre prochaine, qui hantait depuis plusieurs années cet antifasciste et antimilitariste de la première heure. Bartòk déclara à propos du titre: «Divertimento désigne une musique angoissante car elle fait ressentir l'angoisse de l'auteur qui doit retourner à la guerre».

Il écrivit à son fils: «Je me sens en quelque sorte comme un musicien de l’ancien temps, invité de mon mécène. Car tu sais que je séjourne ici en étant entièrement l’invité des Sacher, qui s’occupent de tout - de loin [...]. Ils ont même fait venir de Berne un piano à mon intention [...]: je dois travailler. Et justement pour Sacher lui-même: une commande (quelque chose pour orchestre); et à cet égard également ma situation ressemble à celle des musiciens du passé. Par chance le travail a bien avancé, j’en suis venu à bout en 15 jours (une pièce d’environ 25 minutes), j’ai justement terminé hier».

À propos du chalet des Sacher, il précise: «Cette maison ne leur appartient pas, ils la louent depuis les événements de septembre dernier, à toutes fins utiles». Conscient des périls de la guerre qui monte, il écrit aussi à son fils, dans la même lettre: «Cela ne me dit rien que tu veuilles partir pour la Roumanie; ce n’est pas une bonne idée d’aller, à une époque aussi peu sûre, dans un pays aussi peu sûr».

Bartok Bela 1936
Ce portrait de Béla Bartòk au piano a été publié à de nombreux endroits. La publication la plus ancienne que j'ai pu  - jusqu'à maintenant  - trouver documentée est dans le New York Times de 1936 - voir cette page de la Bibliothèque Nationale de l'Autriche, qui date une photo semblable du 7 janvier 1936.

L'oeuvre fut donnée en première audition le 11 juin 1940 par l'Orchestre de chambre de Bâle dirigé par Paul Sacher. Après le concert un critique écrivait: «En repensant à ce concert, il nous semble à présent irréel et fantomatique. Est-ce que les forces créatrices qui s’agitent ici seront en mesure de survivre face aux forces d’anéantissement déchaînées, à la violence qui conduit à l’extermination totale de la vie?» Quelques mois plus tard, Bartòk quitta l’Europe pour les Etats-Unis, définitivement.

"[...] Pour une pièce composée en des temps aussi troublés, le Divertimento semble à première écoute d’une gaieté et d’une légèreté inhabituelles. Bartòk déclara qu’il songeait à «une sorte de concerto grosso», et l’orchestration oppose un quatuor soliste à l’ample masse des cordes, d’une manière assez XVIIIe siècle. Mais la ressemblance s’arrête là. Le Divertimento est une oeuvre très originale dans son langage unique, et il ne s’agit nullement d’un pastiche néo-classique. Le premier mouvement adopte la structure d’une forme sonate dans un climat léger, insouciant; le second est un sombre Adagio en quatre sections (dont la première et la dernière correspondent à la forme en arche que Bartòk aimait tant), tandis que le finale est un rondo enjoué, qui inclut sans effort, en son centre, une double fugue. [...]" cité des notes de Wendy THOMPSON publiées dans le livret du CD Chandos LS0752.

L'oeuvre est en trois mouvements, le premier est dansant, sur un rythme obstiné, caractérisé par la virtuosité des instruments qui se répondent, le second est d'un climat tragique, avec les contrebasses, violoncelles, altos, avec sourdines, le dernier est à nouveau dansant, «folklorique» (Pizzicatos secs, avec l'archet «sur la touche» et glissandi).

Une description de l'oeuvre par Serge Moreux, citée de son ouvrage «Béla Bartòk»:

"[...] Le «Divertimento» pour orchestre à cordes est dédié à Paul Sacher. Jamais homme ne mérita si précieux hommage que ce chef d’orchestre raffiné, ce mécène délicat: en effet, c’est grâce à lui que nous possédons cette partition parfaite: au début de l'été 1939, le Maître et sa femme vivaient toujours dans l’obsession des événements proches; de l'état dépressif où ils se trouvaient, ils ne pouvaient sortir qu’autant qu’un dépaysement, qu’un changement de climat radical leur serait possible. Paul Sacher le comprend; il décide le Maître à un repos complet en montagne, lui offre son chalet de Saanen, dans le massif de la Gruyère, non loin de Fribourg. Tant de prévenances et de bonté et l’aspect grandiose du paysage qui descend de pâtures en sapinières vers les failles où sinue la gaie Sarine créent autour du Maître une sorte d’enchantement. Il l’exprimera par la vitalité d’opposition d’un folklore imaginaire où passe le souvenir des jours heureux de fête rurale...

L’ouvrage est une extension de la matière du quatuor à cordes Bartòkien; on y retrouve toutes les recherches de colorations orchestrales qui font tant pour la beauté de quelques moments du troisième, quatrième et cinquième Quatuors. Entre ceux-ci et ce «Divertimento» existent les mêmes correspondances qu’entre le «Troisième Quatuor» d’Arthur Honegger et son admirable «Symphonie pour cordes avec trompettes ad libitum».

Seul un compositeur entraîné au maniement du matériau si particulier du quatuor à cordes pouvait enfermer autant de mélodies, de rythmes, de couleur et d’imagination dans la forme approximative du concerto grosso du «Divertimento pour orchestre à cordes». L’oeuvre est en trois parties: la première est une sorte de ronde évoquant la horà roumaine que soutiennent des accords obstinés et rapides; les danses la prolongent dans la même atmosphère psychologique qu’interrompent et renouvellent des incises lyriques destinées à préparer la conclusion pathétique.

L’Andante est une courte méloppée chromatique ondulant par des oscillations qui montent d’un ton des contrebasses vers les violons après chaque réexposition; tous les réexpositions sont séparées les unes des autres par des trilles aigus dont la coloration évoque la clarinette dans les sonorités limites; les tensions ainsi obtenues sont saisissantes.

Le Final met en oeuvre des rythmes et un mélodisme de danses paysannes, vibrants de trilles et vigoureusement appuyés sur des unissons cadentiels. La forme qui les contient est un rondo à couplets et refrains très libres dans sa première partie, l’écriture de plus en plus divisée atteint à un clair fouillis d’imitations bien combinées pour donner toute sa valeur de détente à un épisode central de caractère élégiaque; une brève cadence interrompt ce dernier et introduit un rythme accelerando évoquant la péroraison tournoyante des czardas.

Les variations du thème initial sur des accords obstinés s’accrochent aisément à cette section; l’épisode lent trouve sa correspondance dans une partie lyrique et très détendue par des accentuations féminines; celles-ci s’agrègent petit à petit en une sorte de piétinement d’abord retenu puis précipité vers la fin en une longue fusée stridente.
[...]"



En 1956, Ferenc FRICSAY avait mis cette oeuvre au début du programme de son concert donné dans le Victoria-Hall de Genève avec l'Orchestre de la Suisse Romande, préservé grâce aux fabuleuses archives de la Radio Suisse Romande resp. de la Radio Télévision Suisse Romande!

Ce 9e concert de l'abonnement fut diffusé en direct sur Sottens dans le cadre du traditionnel concert du mercredi soir.

Voir cette page de mon site pour une courte présentation de Ferenc FRICSAY et de ce concert - telle que publiée par William RIME dans la revue Radio Je vois tout du 2 février 1956 en page 37 - ainsi que le compte-rendu de Franz WALTER publié le lendemain du concert dans le journal de Genève en page 8.

Le concert fut - comme d'habitude - également donné le lundi précédent à Lausanne, Théâtre de Beaulieu. Sur l'oeuvre de Bartòk, Alois FORNEROD écrivait dans la Tribune de Lausanne du 13 février en page 2:

"[...] Le chef d'orchestre qui conduisait les musiciens de M. Ansermet la semaine passée fut élève de Bartòk et de Kodaly [...]. Dans la force de l'âge, musicien autant qu'on peut l'être, dédaignant les simagrées destinées à convaincre le public plutôt qu'à mener l'orchestre, simple et même un peu rustique d'allure, cet interprète réussit à obtenir ce qu'il veut des instrumentistes et à émouvoir son auditoire.

Il est sans doute mieux placé que personne pour traduire la pensée de Béla Bartòk puisque son origine et sa formation l'ont mis à même de comprendre l'art hongrois «de l'intérieur», si l'on peut s'exprimer ainsi.
[...] Le public lausannois, très amateur de la musique de Bartòk, accueillit chaleureusement l'exécution du Divertissement qui me paraît être du bon Bartòk, à la fois subtil et costaud. Aloïs Fornerod [...]"

Ouvrant donc le concert...

Béla Bartòk, Divertimento pour cordes, Sz 113, BB 118, Orchestre de la Suisse Romande, Ferenc Fricsay, 8 février 1956, Victoria-Hall, Genève

        1. Allegro non troppo             08:10 (-> 08:10)
        2. Molto adagio                   09:15 (-> 17:25)
        3. Allegro assai                  06:57 (-> 24:22)

Provenance: Radiodiffusion, Archives RSR resp. RTSR

Vous pouvez obtenir cet enregistrement en...

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En écoute comme fichier mp3 320 kbps:

1. Allegro non troppo


2. Molto adagio


3. Allegro assai