La plus ancienne copie connue, anonyme, de la Fantaisie Chromatique et Fugue BWV 903 est datée du 6 décembre 1730. Cette oeuvre est traditionnellement rattachée aux années 1720, à Köthen, mais l'on sait que Jean Sébastien Bach l’a remaniée à Leipzig, une dizaine d'années plus tard. Elle fut publiée pour la première fois en 1802 et est devenue l’une des pièces pour clavier les plus populaires de Jean Sébastien Bach.
C'est une fantaisie de type improvisé (intonatio, preambulum, prelude, toccata) telle que créé par les luthistes puis les clavecinistes dès le milieu du XVIe siecle, «pour le plaisir des oreilles et des doigts». Cette tradition se developpa et s’enrichissa au cours du temps, principalement avec Frescobaldi, Froberger et aussi par les Français Louis Couperin puis Jean-Henri d’Anglebert "[...] dans les préludes non mesurés: aventure harmonique, chocs rythmiques, jaillissement de “passagi” virtuoses s’entrelaçant ou luttant avec des récitatifs de type théâtral. “Catastrophe de la musique” ou labyrinthe enchanteur, folie organisée, dominée, pour qui, comme Jean Sebastien Bach, connaît et n’a pas oublié la révolution de la “seconda prattica” autour de 1600 en Italie? La fugue est à trois voix, rigoureuse, calme, presque galante; la raison reprend ses droits, le XVIIIe siècle est là. [...]" cité d'un texte d'Odile BAILLEUX, juin 1989.
Johann Sebastian BACH, une peinture de Johann Jakob IHLE, ca. 1720
L'original appartient à la collection de la «Bachhauses Eisenach». Cependant, en l'état actuel des connaissances, il est douteux qu'il s'agisse réellement de Jean-Sébastien BACH. Le portrait est aujourd'hui catalogué à Eisenach comme «Porträt eines mittelalten Herrn».
La Fantasia "[...] commence par une improvisation dans un style de toccata où Bach utilise toute l’étendue du clavier (tel qu’il était à l’époque). La musique atteint un point de repos avec les arpèges qui suivent - non dénués toutefois d’un grand intérêt harmonique.
Leur exécution est toujours demeurée matière à controverse. Après un concert, Mendelssohn écrivit à sa soeur Fanny en 1840: “Je prends la liberté de jouer les arpèges avec tous les crescendos, pianos et fortissimos possibles, bien sûr avec la pédale, et en doublant les octaves à la basse.” On préfère aujourd’hui adopter une approche plus sobre!
Le récitatif qui vient ensuite était probablement mieux servi par l’instrument de prédilection de Bach, le clavicorde, puisqu’il réclame une variété de nuances que le clavecin était bien moins à même de produire. La fantaisie se conclut sur une très belle coda de cinq mesures, avec des accords de septième diminuée descendant sur une pédale à la basse.
La fugue à trois voix commence très calmement avant de prendre peu à peu toute son ampleur. Ses doubles croches lui confèrent un élan soutenu, ses accords sonores lui ajoutent du volume, ses octaves renforcent la basse, et le tout s’achève en triomphe! [...]" cité d'un texte d'Angela HEWITT - publié en 1994 chez Hyperion -, dans une traduction de Jean-Paul METZGER.
Recto de la pochette du disque Ducretet-Thomson 300 C 032
Frank PELLEG enregistra les BWV 903, 992, 971 et 912 du 16 au 19 mai 1956 (d'après la discographie de Michael GRAY) pour Ducretet-Thomson, sur un clavecin Neupert, elles furent publiées sur le disque Ducretet-Thomson 300 C 032:
Sur le clavecin Neupert utilisé pour ces enregistrements, Roger COTTE écrit au verso de la pochette du disque:
"[...] les quatres ouvrages [...] ici enregistrés ne peuvent être convenablement restitués que sur l'instrument pour lequel ils furent conçus. Un clavecin ayant appartenu à Bach et qui aurait été construit suivant ses indications est conservé au musée de Berlin. Cet instrument comprend deux claviers et quatre rangs de cordes (2 rangs de 8 pieds (octave normale), un rang de 4 pieds (octave supérieure de la note écrite) et un rang de 16 pieds (octave inférieure de la note écrite, extrêmement rare à l'époque). Au moyen de registres, on pouvait isoler n'importe lequel de ces rangs de cordes (ou jeux) ou, en accouplant les deux claviers (comme à l'orgue), les faire entendre simultanément pour les effets de Forte. Un registre complémentaire de Luth permettait d'obtenir (par le moyen d'un léger drap effleurant les cordes) un effet de sourdine. Cette disposition, à quelques facilités mécaniques secondaires près, est celle des clavecins de concert les plus modernes. [...]"
Voici donc...
Johann Sebastian Bach, Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur, BWV 903, Frank Pelleg, clavecin Neupert, 16-19 mai 1956
1. Fantasia 06:59 (-> 06:59)
