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Gustave DORET croqué par PETROVIC, Cliquer sur la photo pour l'original et ses références
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À propos de l'OSR...
Gustave DORET sur la naissance de l'orchestre, 1918
Gustave DORET à propos de la naissance de l'Orchestre de la Suisse Romande, publié en première page du Journal de Genève du dimanche 7 juillet 1918, donc quelques mois avant la fin de la Première Guerre Mondiale, bien dans le ton de ces circonstances très particulières:

"[...] UN ORCHESTRE POUR LA SUISSE ROMANDE

Ici même, depuis de longues années, nous avons défendu le principe de la création d’un organisme orchestral qui ne soit pas dépendant d’administrations officielles, mais qui trouve au contraire ses forces financières dans les sacrifices librement consentis du public.

L’art n’est pas une affaire de gouvernement, a dit un grand homme d’Etat hollandais, J. R. Thorbecke. Rien n’est plus vrai. En théorie, de grosses subventions officielles semblent indispensables lorsqu’il s’agit d’une entreprise musicale d’intérêt public. Sans doute, mais ces subventions imposent généralement des charges qui empêchent le libre développement et l’évolution normale. Pour s’en convaincre, il suffit d’étudier l’histoire de tontes les grandes sociétés musicales d’Europe ou d’Amérique. Celles qui ont su établir de justes traditions et qui, par ce fait, se sont épanouies glorieusement ont eu toutes, comme point de départ, l’initiative privée. Qu’ensuite, des appuis financiers officiels leur aient été accordés, rien de plus juste ni de plus favorable, à condition que ces subventions ne représentent pas des charges en retour. Il y a trop longtemps que nous insistons sur l’état d’infériorité évidente où se trouvent, en matière d’exécutions symphoniques, nos grandes villes de Suisse romande, pour que nous ne nous réjouissions pas de l’initiative, prise par quelques citoyens courageux, qui veulent créer un Orchestre dit de la Suisse romande. Les faits ont prouvé que ni Genève ni Lausanne ne peuvent entretenir chacune une telle institution. L’idéal, évidemment, eût été d’avoir — comme en Suisse allemande - divers foyers intenses qui font naître une saine et féconde émulation. Il n'y faut pas songer pour l'heure présente. L’important est d’agir avec vigueur et de ne point rester dans l’état de marasme où nous vivons depuis trop longtemps, dépendants, pour toutes les manifestations importantes, des orchestres de l’étranger ou de Suisse allemande, qui toujours, disons-le, nous ont témoigné une sympathie et une complaisance pour lesquelles nous leur devons une vive reconnaissance. Et, de toutes façons, ils peuvent être toujours certains de retrouver chez nous l’accueil le plus chaud et le plus admiratif, quoiqu’il advienne dans l’ère nouvelle qui doit s’ouvrir en Suisse française.

Il faut voir clair. Quelles sont les raisons qui, jusqu’ici, ont mis dans le domaine orchestral la Suisse française dans la situation incertaine où elle se trouve? L’individualisme outré et le manque d’union des forces. L’individualisme est une puissance qui, poussée à l’excès, devient une faiblesse. Les forces, nous les possédons. Il suffit de les concentrer et de les coordonner. Le but doit être élevé; le dévouement à la cause complet; le désintéressement absolu. À ce prix, l’oeuvre peut s’accomplir, se développer et donner à notre Suisse romande sa vraie place dans le monde de la musique. Jamais une occasion plus précise n’a été donnée à nos concitoyens de témoigner effectivement leur amour pour la musique. Des objections? Il y en a et il y en aura toujours; et quelle entreprise peut se flatter de n’avoir pas de luttes en perspective? C’est précisément la lutte qui fait vivre les organismes.

L’heure est à l’action. Notre Suisse romande a-t-elle, en musique, ce sens profond de l’indépendance et de la liberté qu’elle manifeste en tant d’occasions? Nous n’en voulons pas douter et nous saluons joyeusement la naissance prochaine de l'Orchestre de la Suisse romande, basé sur les sacrifices individuels et collectifs.
[...]"


                                        Gustave DORET croqué par PETROVIC

Quelques mois plus tard, après le premier concert, Gustave Doret écrivait dans la Tribune de Genève du samedi 7 décembre 1918 en page 4:

"[...] Les débuts de l'Orchestre de la Suisse romande

Il y a une quarantaine d'années, un grand artiste qui fut l'âme musicale de Genève, Hugo de Senger, découragé par les désillusions que l'orchestre, sans cohésion, de l'époque lui causait, créa de toutes pièces, pour le service des concerts, l'Orchestre national. Seul il lutta de ses propres forces, de ses propres deniers pour entretenir quatre-vingts musiciens. Au bout d'une année, il avait mangé sa modeste fortune, produit d'un héritage amical. L'opinion publique !e traita de fou, d'illuminé... et d'artiste déséquilibré. Hugo de Senger était simplement un précurseur que la majorité de ses contemporains n'ont pas compris. Supposez qu'à l'époque dont je vous parle, il se soit trouvé des hommes de bonne volonté pour comprendre et appuyer le projet de H. de Senger: quelles traditions aujourd'hui seraient établies et de quel passé musical notre pays pourrait-il se glorifier? Le bon sens semble s'être éveillé; ces hommes de bonne volonté sont nés et leurs désirs musicaux se sont éveillés pendant cette période de guerre atroce, qui pourtant rendait infiniment difficile la tâche de création d'un orchestre. Et les difficultés ont été telles — ce que l'on pouvait prévoir — exaspérées encore par la situation politique intérieure de la Suisse, que c'est miracle d'avoir pu réunir soixante musiciens sous la direction de M. Ernest Ansermet, dont l'activité inlassable a permis ce recrutement complexe.

Samedi soir, le public était convié à juger le nouvel instrument orchestral qui doit, selon les projets, porter la bonne semence musicale dans toutes les villes de la Suisse française. Disons-le de suite: le résultat est excellent; nous avons entendu des instrumentistes sachant leur métier, des artistes d'esprit jeune, remplis d'entrain et d'un désir de perfection tout à fait réjouissants. Sans doute, la cohésion n'est pas encore absolue et l'on ne saurait l'exiger dès le début: de même, une certaine «verdeur» dans les sonorités qui s'atténueront, à moins que l'acoustique de la salle n'en soit la cause, ce que je ne pense pas. Les instruments à cordes ont témoigné d'une excellente discipline d'archet, entraînés merveilleusement, avec la sûreté que vous savez, par M. Fernand Closset, transfuge de l'ancien orchestre. Parmi les instruments à vent, certains premiers pupitres sont occupés par des solistes tout à fait remarquables.

L'évidence est que — pour les oeuvres modernes — les instruments à cordes sont trop peu nombreux et ne peuvent lutter contre l'harmonie des bois et des cuivres. Il y a là un perfectionnement à réaliser avec le temps: le succès amènera fatalement les organisateurs aux sacrifices nécessaires. Voilà l'instrument qu'a dirigé avec vigueur, sûreté, conviction et chaleur M. Ernest Ansermet, dans l'exécution d'un programme sur la composition hétéroclite duquel nous ne le chicanerons pas: le but du chef d'orchestre était évidemment de présenter ses musiciens dans des oeuvres où leurs qualités diverses pouvaient être mises en lumière, ce qui se justifie pour un début.

Maintenant que nous entrons dans une ère nouvelle, dont on peut attendre beaucoup, souhaitons la réforme des programmes. Le vieux monde musical n'est pas toujours celui qu'on croit; le rajeunissement des concerts est moins dans le modernisme, qui a droit à sa place, que dans les chefs-d'oeuvre et les oeuvres inconnues. Depuis vingt-cinq ans, dans tous les pays, on rencontre d'autre part les mêmes formes de programmes, faisant place avec une régularité déconcertante à tel ou tel virtuose, non, la plupart, du temps, pour l'intérêt de l'œuvre exécutée mais pour la virtuosité elle-même. Chaque élément doit être à sa place: la virtuosité est une qualité nécessaire, indispensable, mais à condition qu'elle se plie aux exigences musicales. Puissent les nouveaux concerts de l'Orchestre de la Suisse romande nous délivrer de l'esprit opportuniste dans ses programmes. Pour ne point réformer, on invoque trop facilement les goûts et désirs du public. Quelle erreur! Le public ne demande qu'à être guidé et dirigé dans les chemins, parfois malaisés, qui conduisent aux sommets. Il aime aussi les routes plus faciles, qu'il ne faut pas négliger; mais il ne comprend pas — sans qu'il raisonne les faits — les procédés dits de contrastes, mode périmée et surannée. Et il a raison: son instinct est juste. L'avenir des concerts est dans leur transformation: un souffle nouveau passe dans le monde, souffle de vérité qui doit nous débarrasser de tous les éléments faux, parasites de l'art.

Le rôle que peut jouer une institution telle que celle du nouvel orchestre est considérable, si elle veut regarder l'avenir, moins que le moment immédiat. Elle peut être l'avant-garde de tous les mouvements de saine révolution. Elle ne dépend que d'elle-même; nulle officialité ne la bride; ses forces sont considérables et augmenteront à mesure que son activité grandira. Il peut paraître puéril, à l'heure que nous vivons, de songer à l'avenir musical de notre coin de pays. Et pourtant, n'est-ce point défendre l'idéalisme, toujours combattu, que de défendre la musique pour elle-même ? La Suisse française, plus que jamais, dans tous les domaines, a des responsabilités à encourir, des devoirs à remplir. L'importance du domaine musical — dans l'évolution universelle — ne doit pas lui échapper. C'est pourquoi nous saluons avec joie la venue au monde de l'Orchestre de la Suisse romande, pourvu qu'il comprenne le magnifique rôle d'avant-garde qu'il peut jouer. Et de la conscience qu'il a de ce rôle nous ne devons pas douter.
[...]"

Le programme de ce premier concert du 30 novembre 1918:



La composition de l'orchestre:


                                        Scans cités de cette page du site onstage.