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Béla BARTÒK
Musique pour cordes, percussion et célesta, Sz 106
Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
4 et 5 mai 1957, Victoria Hall, Genève

Sur une commande de Paul Sacher pour le 10e anniversaire de son orchestre, le «Basler Kammerorchester», Béla Bartòk composa en 1936 l'un de ses chef-d'oeuvres emblé­ma­ti­ques, sa Musique pour cordes, percussion et célesta, Sz 106, BB 114. Il porta son choix sur une instrumentation totalement inédite et en fixa clairement son déploiement: deux orchestres à cordes antiphoniques, séparés par une harpe, un piano, un célesta, des timbales et plusieurs percussions jouées par un seul musicien. L'oeuvre fut intitulée «Musique», car elle ne relevait d'aucun genre existant; elle fut donnée en première audition publique le 21 janvier 1937, par son commanditaire.

Le 3 mars suivant, lors du 9e concert d'abonnement de la saison 1936-1937, Ernest ANSERMET en donna la première audition en Suisse Romande. L'année suivante, en préparation à une reprise de l'oeuvre, il la présenta dans la revue „Le Radio“:

C'est "[...] l’exemple le plus convaincant que l’on puisse donner de la réalité d’une musique vivante, c’est-à-dire de la persistance dans notre temps d’une faculté de création musicale et de son accomplissement. Et ce n’est pas une petite constatation, car, si notre temps use de la musique jusqu’au galvaudage, il n’a rien d’une période créatrice. Vide de ces grandes impulsions spirituelles qui font l’unité d’une époque et dictent à l’art des formes, non seulement il n’appelle pas la musique, mais, à bien des égards, il la répudie, du moins sous l’espèce qui a fait d’elle un art noble et où s’atteste la primauté de l’esprit. Sur le plan de ce que j’appelle ici la musique noble, notre temps pratique surtout le culte du passé. Certes, la nouveauté en musique a rarement été acceptée sans résistance, mais c’est une caractéristique de notre temps de faire son «actualité» du passé et c’est, au moins en partie, parce que sa propre musique le déconcerte. La plupart des compositeurs d’aujourd’hui, en effet — je passe sur ceux qui essaient simplement de prolonger le passé — bouleversent nos habitudes d’esprit ou bouleversent nos habitudes auditives. Ou bien, étrangers à notre culture, ils tendent à la faire dévier de sa tradition, ou bien, dans l’impasse historique où se trouve notre art, ils tentent de le ranimer par l’adoption délibérée de langages nouveaux. Dans l’un ou l’autre cas, leurs oeuvres apparaissent expérimentales ou tout au moins problématiques. Bienvenue alors l’oeuvre qui, comme celle de Bartòk, avec le sentiment de la permanence, nous donne celui du renouveau! Car elle témoigne de la continuité de la vie et montre que, à travers des voies difficiles, notre temps aussi est arrivé à produire sa musique.

La Musique pour Instruments à Cordes, Percussion et Célesta répond en effet aux mêmes mobiles et exerce sur nous le même appel que ceux auxquels la musique a répondu et qu’elle a exercés, tout au long de notre culture. Cependant son langage est hardi et nouveau. Il a même bien des traits communs avec ceux auxquels on a fait allusion tout à l’heure. Seulement ceux-ci cultivaient d’une manière systématique les procédés de style qu’on a appelés «contrepoint linéaire», «atonalité», «polytonalité» tandis que, chez Bartòk, ces procédés paraissent dictés par la nature musicale de ses idées mélodiques — idées mélodiques qui sont assurément propres à l’auteur mais qui tiennent leur caractère des mélismes de la musique populaire hongroise. L’idée mélodique, et sa vie propre, sont donc ici le vrai sujet de l’action musicale et c’est pourquoi celle-ci atteste la prééminence d’une pensée qui donne à toute la mise en oeuvre un caractère de nécessité et qui en fait quelque chose de substantiel. Sans doute les nouveaux procédés de style que j’ai indiqués avaient-ils déjà donné lieu à des oeuvres pleines de sens, mais jamais encore, il me semble, ils n’avaient été employés avec autant de liberté, assimilés et fondus ainsi dans une langue personnelle d’expression Un pareil aboutissement légitime, s’il en était besoin, ces expériences du «contrepoint linéaire», de l'«atonalité», de la «polytonalité» qui pouvaient paraître au premier abord si exclusives et si stériles. Il les fait voir comme les étapes de la longue élaboration par laquelle la musique de notre temps a acquis son propre langage. Si le lecteur me pardonne ici une petite parenthèse à l’usage de ceux que ces questions intéressent, je voudrais ajouter qu’à la lumière de cet aboutissement on peut se rendre compte que ces techniques nouvelles ne tendaient, les unes comme les autres, qu’à exercer le sens mélodique et lui donner assez de force propre pour que les voix de la symphonie se libèrent, relativement, de la nécessité de références harmoniques dans ce qui est simultané. Ce sentiment harmonique ou tonal n’agit plus alors comme un plan de référence stable, immobile et absolu, mais comme un plan de référence mobile lui-même et suivant dans son mouvement — mais sans perdre pied! — l’élan des voix.

Béla Bartòk n’est pas un nouveau venu. Il y a plus de trente ans qu’il produit et son bagage de compositeur est considérable. Connaisseur émérite de la musique populaire hongroise, il y a en lui une forte nature de «musikant», un goût prononcé pour la matière musicale, mais aussi un esprit aigu qui a pénétré les secrets des formes les plus hautes et les plus subtiles de la musique germanique et française. Il en résulte, chez le compositeur, des exigences également impérieuses de nature et de culture qui ne vont pas sans tension, et ont donné souvent à son expression musicale un caractère composite et laborieux. Il faut peut-être déclarer heureuses les natures possédées d’une seule passion, dont rien, du dedans, ne vient entraver l’élan. Dans un cas comme celui de Bartòk, la tension interne de la personnalité ne peut se résoudre que dans un long mûrissement.

Le fait est que les dernières oeuvres de Bartòk — «Cinquième Quatuor», «Deuxième Concerto de Piano» et cette «Musique pour Instruments à Cordes» — marquent, par la cohérence et la sûreté du style, la force et la clarté de l’expression, une avance considérable sur tout ce qu’il a écrit antérieurement. Il y a là comme une éclosion, une conquête nouvelle et, notamment, cette conquête capitale: celle de la forme — de la forme, indépendante de tout formalisme, qui dispose les éléments thématiques et mesure leur capacité d’expansion de façon à donner à chaque morceau sa plénitude de sens.

La «Musique pour Instruments à Cordes» contient deux mouvements lents. Le premier, sur un motif chromatique si libre dans son développement qu’il échappe à toute régularité métrique, édifie une fugue. Après la cinquième entrée, le thème vient en canon entre les voix supérieures et les basses; puis la tension mélodique devient plus intense dans le motif lui-même et les voix se joignent dans un ensemble homophonique qui marque le sommet dynamique du morceau. La fugue reprend ensuite avec le thème «renversé» et le mouvement va se calmant jusqu’à ce que le thème et son renversement se fassent entendre ensemble dans une lumière scintillante de trémolos, et de célesta; il ne reste plus que quelques bribes thématiques qui vont se dispersant et le morceau prend fin.

Autant ce premier mouvement lent est d’expression tout intérieure, autant le second (adagio) est contemplatif. Une pastorale, où le cadre — la nudité de vastes plaines — semble évoqué par quelques notes de xylophone à quoi répondent de mystérieux «glissandi» de timbales. Ce tableau musical est amorcé (comme il sera terminé) par un motif de caractère populaire hongrois, suivi d’une autre mélodie de caractère populaire qui se présente deux fois: la première fois à l’extrême aigu des violons, la seconde fois en canon entre violons et violoncelles, les deux reprises séparées par un passage de caractère dramatique et de furtives apparitions du motif du premier andante venant jeter une note subjective assez troublante au cours de ces épisodes.

Ces deux morceaux lents sont séparés et suivis par deux mouvements vifs (second et quatrième mouvements) d’une expression moins subtile mais d’une grande richesse de substance. Le premier des deux a l’allure d’un scherzo (de rythme binaire), d’une impétuosité étourdissante, le second est un grand mouvement de danses, coupé d’un bref mais passionné retour du motif du premier andante.

Toute cette musique est jouée par l’ensemble des cordes divisé en deux orchestres qui tantôt donnent de leurs multiples voix, tantôt s’opposent et qui usent de toute la variété de leur jeu — notamment de diverses espèces de pizzicati, imités des tziganes. Et aux deux orchestres de cordes s’opposent ou se joignent un piano, un célesta, une harpe et divers instruments de percussion.

Peut-être cette singulière disposition instrumentale a-t-elle été dictée à l’auteur par la circonstance qui a donné naissance à son oeuvre. Cette oeuvre a été, en effet, commandée à Bartòk par Paul Sacher, pour le dixième anniversaire du «Kammerorchester» de Bâle, auquel elle est dédiée. Mais je ne sais s’il faut davantage en admirer la trouvaille dans le cas où cette disposition instrumentale aurait été imaginée délibérément, ou l’accomplissement, dans le cas où elle aurait été fortuite.
[...]" cité d'un texte d'Ernest ANSERMET publié dans la revue „Le Radio“ No. 761 du 5 novembre 1937, page 2, en préparation du concert donné le 10 novembre suivant.

Une vingtaine d'années plus tard, les 4 et 5 mai 1957, Ernest ANSERMET enregistra cette oeuvre pour le label Decca, bien entendu dans le Victoria Hall de Genève avec son Orchestre de la Suisse Romande - une prise de son publiée l'année suivante sur Decca LXT 5396 et London LL 1759, puis en mai resp juin 1960 sur London CS 6159 resp. Decca SXL 2203, et rééditée un peu plus tard sur ce disque London STS 15151:

Béla Bartòk, Musique pour cordes, percussion et célesta, Sz 106, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, 4 et 5 mai 1957, Victoria Hall, Genève

   1. Andante tranquillo         07:47 (-> 07:47)
   2. Allegro                    07:41 (-> 15:28)
   3. Adagio                     06:39 (-> 22:07)
   4. Allegro molto              06:41 (-> 28:48)

Provenance: London Records CS 6159 et London Records STS 15151

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En écoute comme fichier mp3 320 kbps

1. Andante tranquillo
2. Allegro
3. Adagio
4. Allegro molto