Johannes BRAHMS
Concerto pour piano et orchestre Nr. 2, op. 83
Wilhelm BACKHAUS, piano
Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
22 mars 1950, Victoria Hall, Genève
Johannes BRAHMS composa ses deux concertos pour piano avec près de 25 ans d'intervalle. La différence entre les deux oeuvres est grande, tant pour le fond que pour le style. Si le premier concerto est l'oeuvre d'un jeune révolutionnaire du «Sturm und Drang» (litt. „tempête et passion“) hésitant entre le romantisme et la musique „néoallemande“, entre Schumann et Liszt, le second, esquissé en 1870 et achevé pendant l'été 1881, porte tous les stigmates d'une maîtrise parvenue à sa maturité. La partie soliste, d'une grande aisance, met en lumière toutes les possibilités de l'instrument, d'une façon beaucoup plus concertante que dans le premier concerto. L'oeuvre fut donnée en première audition le 9 novembre 1881 à Budapest, par le compositeur au piano et Sándor Erkel à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Budapest.
Avec ses quatre mouvements au lieu de trois, le 2e concerto est une rude épreuve pour le pianiste: après l'effort fourni pour jouer un premier mouvement long et intense, au lieu de se reprendre ses forces dans un mouvement calme, il lui faut aborder un mouvement tout aussi exigeant.
À l'inverse du premier concerto qui débute par une longue introduction orchestrale, le second concerto fait entrer le soliste dès la seconde mesure du premier thème, calme et majestueux:
"[...] une mélodie simple énoncée par les cors, de forme symétrique (une demande et une réponse). Le piano y répond avec douceur. Les instruments à vent puis les cordes le reprennent et sont interrompus par une cadence dramatique qui donne au pianiste l'occasion de démontrer sa virtuosité. De forme sonate, apparaîtra ensuite un deuxième thème confié tout d'abord aux cordes accompagné par les triolets du piano et soutenu par le pizzicato des altos et violoncelles. Après un développement, la réexposition fait entendre à nouveau l'appel des cors annonçant la longue coda sur laquelle le mouvement se termine.
Le deuxième mouvement [...] est un scherzo dans lequel le piano fait une entrée impétueuse. Les contrebasses et les cors assombrissent ce tumulte. Puis les cordes entament piano, tranquillo e dolce un nouveau motif que le piano transformera en une figure plus intense. Après un long développement, dialogue entre le soliste et l'orchestre, le mouvement se conclut dans une atmosphère passionnée.
L'Andante prend lui la forme d'une méditation poétique, entonnée par un violoncelle solo qui entame une mélodie répétée par les violons, le basson et le hautbois. Le piano se lance dans un long passage plein de tendresse puis de plus en plus animé et entrecoupé par l'orchestre puis se calme à nouveau jusqu'à ce que la voix du violoncelle s'élève de nouveau. Le mouvement se termine par un long accord tenu piano. On remarque l'absence des trompettes et des timbales dans ce mouvement.
Le quatrième mouvement: [...] La première mélodie comportant deux parties, (chacune énoncée par un dialogue entre entre le piano et les violons) est vive et joyeuse. Ce premier thème est repris par l'orchestre et entrecoupé par le piano. Une seconde mélodie plus langoureuse, en mineur, apparaît aux bois et cordes. Puis s'enchaînent un troisième thème (au piano répété par les clarinettes) et un quatrième thème (au piano repris ensuite par la flûte et le hautbois). Ces différents thèmes seront développés puis ré-exposés. L'oeuvre se termine par une coda dans laquelle le tempo change et le rythme de la première mélodie se transforme en saltarelle (danse italienne). [...]" cité des notes d'Odile SICK publiées dans cette fiche pédagogique de l'Académie Aix-Marseille.
L'interprétation du concerto pour piano et orchestre Nr. 2 en si bémol majeur, op. 83, de Johannes BRAHMS proposée ici provient de ce 12e concert de l'abonnement donné le 22 mars 1950 dans le Victoria-Hall de Genève, Ernest ANSERMET dirigeant l'Orchestre de la Suisse Romande, avec Wilhelm BACKHAUS en soliste.
Les pôles d'attraction de ce concert étaient Wilhelm BACKHAUS - dans sa première partie - et la nouvelle oeuvre de Frank MARTIN - après son entracte.
Cité du compte-rendu de Hermann LANG publié le 27 mars 1950 dans la „Nouvelle Revue de Lausanne“ en page 3:
"[...]
Mais revenons à notre concert. Il avait débuté par le Deuxième concerto de piano, en si bémol, de Brahms, oeuvre monumentale - elle dépasse en durée celle de ses symphonies - et dont le grand pianiste Wilhelm Backhaus fut le héraut puissant et inspiré.
Ce concerto qui date de 1881 a été conçu au retour d'un voyage en Italie. De fait il y a dans le mouvement lent qui est un calme nocturne avec solo de violoncelle et dans le final gracieux, léger, aérien comme une musique de ballet, quelque chose de la transparence enchanteresse des paysages méridionaux. Face aux tendances avancées de Berlioz, de Liszt, de Wagner, vers lesquelles allaient les suffrages de la jeunesse, Brahms fait figure de rétrograde, de réactionnaire. Hugo Wolf n'avait pas assez de sarcasmes pour lui. Et en vérité Brahms n'a rien inventé. Pourtant son importance, son rôle n'ont cessé de grandir dans l'histore de la musique. C'est que ses oeuvres possèdent une vitalité, une vie spirituelle d'un telle évidence, elles sont coulées dans une forme si achevée qu'elles sont assurées de durer, de prendre rang parmi les créations immortelles du romantisme musical.
Ceux qui ont entendu Wilhelm Backhaus dans le Concerto en si bémol, de Brahms, ne l'oublieront pas. Son interprétation, suprêmement belle, douée d'une autorité souveraine dans la simplicité illuminée de la plus poétique intuition, retentira longtemps dans le souvenir. [...]"
La prise de son est d'une qualité absolument superbe pour 1950 - chapeau à la Radio Suisse Romande et à son équipe technique! Elle fut bien entendu réalisée sur disques acétate, et ceux-ci superbement bien digitalisés par l'équipe technique de la Radio Suisse Romande.
Johannes Brahms, Concerto pour piano et orchestre Nr. 2 en si bémol majeur, op. 83, Wilhelm Backhaus, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, 22 mars 1950, Victoria Hall, Genève (12e concert de l'abonnement)