Wolfang Amadeus MOZART
Exsultate Jubilate, KV 165
motet pour soprano et orchestre
Maria STADER
Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
25 septembre 1963, Victoria Hall, Genève
«Exsultate, lubilate» (Exultez, réjouissez-vous), KV 165, que Wolgang Amadeus Mozart écrivit en 1773 lors de son troisième voyage en Italie, est un motet en quatres parties pour soprano et orchestre. Il fut en fait composé pour un castrat, Venanzio Rauzzini, que Mozart admirait et à qui il avait confié auparavant un rôle dans son opéra Lucio Silla. L'oeuvre fut donnée en première audition à Milan le 17 janvier 1773, dans l'église des Théatins. De nos jours, le motet est habituellement chanté par une soprano.
Le motet se compose de trois mouvements vif-lent-vif, le premier et le second étant séparés par un court récitatif (avec continuo), et d'un dernier Molto Allegro. Son texte est en latin, d'un auteur inconnu, chantant la joie des âmes bienheureuses; le mouvement lent est un hommage à la Vierge Marie. Le mouvement final est l'une des plus difficiles pièces vocales, vocalisant uniquement sur le mot alleluia.
1. Exsultate, jubilate,o vos animae beatae,dulcia cantica canendo,cantui vestro respondendo,psallant aethera cum me.
2. Fulget amica dies, iam fugere et nubila et procellae;exortus est justis inexspectata quies.Undique obscura regnabat nox; surgite tandem laeti, qui timuistis adhuc,et iucundi aurorae fortunataefrondes dextera plena et lilia date.
3. Tu virginum corona,tu nobis pacem dona,tu consolare affectus,unde suspirat cor.
4. AllelujaAlleluja, alleluja…
Au programme de ce concert de jubilé donné le 25 septembre 1963 au Victoria Hall de Genève par l'Orchestre de la Suisse Romande placé sous la direction de son chef-fondateur Ernest ANSERMET, les solistes étant les lauréats du Ier Concours international d'exécution musicale de Genève (1939) - à l'exception de Maria Tippo lauréate en 1949:
Concerto en ré mineur pour hautbois et orchestre d'Antonio Vivaldi, avec le hautboïste français Paul Valentin Deux airs de Wolfgang Amadeus Mozart, tirés l'un de Don Giovanni et l’autre des Nozze di Figaro, chantés par la basse suisse Fritz Ollendorf Concerto pour clarinette en mi bémol de Carl-Maria von Weber, avec le clarinettiste genevois Robert Gugholz Concerto pour flûte de Jacques Ibert, avec le flûtiste français André Jaunet Motet Exsultate Jubilate, KV 165, de Wolfgang Amadeus Mozart, chanté par la soprano Maria Stader Concerto pour piano No 3 de Sergei Prokofjew interprété par la pianiste italienne Maria Tipo
La seconde partie de ce concert fut retransmise en direct par la Télévision Suisse Romande:
Cité du compte-rendu de Numa-F. TETAZ publié le surlendemain dans la Feuille d'avis de Lausanne en page 39:
"[...] au Victoria Hall, c’était l’atmosphère des grandes soirées: smokings et spots aveuglants de la TV. Il ne s’agissait pas seulement d’y écouter de la musique, mais aussi de souhaiter bonne fête à une institution dont la réputation est universelle, et l’action la plupart du temps heureuse. Le Concours international d’exécution musicale allait se dérouler pour la 25e fois; pour son ouverture, on avait organisé ce concert réunissant quelques-uns des lauréats de 1939 (sauf une exception), dont la carrière débuta en même temps que celle du concours.
Cela n’alla pas sans émotion. Une artiste comme Maria Stader, qui s’est imposée depuis lors comme l’un des sopranos les plus purs de ces décennies, semblait troublée au point de ne presque plus pouvoir saluer. En fait, il ne doit pas arriver souvent que les circonstances confrontent aussi explicitement un interprète célèbre avec le lieu où les rayons de la gloire le touchèrent pour la première fois. Se souvenir de cet instant décisif, mesurer du regard le chemin parcouru depuis lors - on comprend que le coeur batte, que le regard s'embue...
La soirée commença par un concerto en ré mineur pour hautbois de Vivaldi. M. Paul Valentin le joua avec une calme maîtrise, détaillant ses phrases et ses traits avec cette intelligence et cette assurance qui ne se se laissent jamais bousculer. Après lui, M. Robert Gugolz, que nous avons souvent applaudi, puisqu’il a fait carrière chez nous, a présenté le Concertino en mi bémol pour clarinette, de Weber. La richesse des nuances, du pianissimo le plus ténu au forte le plus éclatant, leur dosage impeccable, l’exactitude du phrasé enfin firent merveille; j’ai regretté cependant que M. Gugolz, qui est de toute façon plus musicien, et musicien profond, que virtuose, ait choisi cette page où de grandes beautés voisinent avec pas mal de platitudes.
Ce fut M. Fritz Ollendorff qui lui succéda sur l’estrade. Il chanta deux airs parmi les plus célèbres de Mozart: celui dit «du catalogue» extrait de «Don Giovanni» . et le «Non più andrai», final du 1er acte des «Noces de Figaro». Beaucoup de vie, une grande, justesse d’accent. J’ai admiré la prestesse avec laquelle M. Ollendorff a passé de la scélératesse huileuse de Leporello à l’entrain et à la gentillesse (la moquerie elle-même n’est ici qu’un jeu) de Figaro: jusqu’au timbre de la voix qui en était changé. On sentait d’ailleurs le chanteur d’opéra qui a l’habitude de tenir son public: une présence incontestable.
Enfin, M. André Jaunet conclut la première partie par le charmant «Concerto pour flûte» de Jacques Ibert. De la vivacité, du tempérament, une sonorité agréable, une technique sans faille.
Que dire de Maria Stader que tout mélomane ne sache pas? Qui n’a jamais entendu son enregistrement du motet «Exultate, jubilate», véritable joyau de la discographie mozartienne? Elle l’a chanté mercredi avec une fraîcheur, une virtuosité et une vie du coeur incomparables.
La fin du concert cependant nous réserva une sensation. Les habitués du concours se souvenaient que Maria Tipo avait fait forte impression en 1949; mais qu’était-elle devenue entretemps? Voici donc une inconnue, où presque, du moins chez nous; et l’on pouvait se demander si elle réussirait quinze ans plus tard à confirmer le 1er prix gagné autrefois. Or ce n’est pas une lauréate méritoire que nous avons entendue, c’est une reine du piano. Elle a joué le «3e Concerto» de Prokofiev, oeuvre ironique, encline au persiflage et à la caricature, entrecoupée de fugitifs moments où la gravité et la douleur se devinent sous le masque du rire, attachante du reste par sa vitalité puissante. Mlle Tipo a le réflexe foudroyant du grand virtuose, un jeu net comme une impeccable épure, une rigueur rythmique inébranlabie, et tout cela porté par une intensité frémissante qui ne déborde jamais en bavure sentimentale. Quand la réentendrons-nous? Retenez bien ce nom là: Maria Tipo. Et si vous le voyez sur une affiche, courez-y, et si vous avez des ennuis de trésorerie, contentez-vous plutôt de pommes de terre pendant huit jours. Mais ne manquez pas d’entendre cette pianiste à l’impassibilité souveraine et au rayonnement irrésistible. Et ce n’est pas seulement un sentiment personnel: la salle toute entière était subjuguée, au point de garder un silence absolu entre les mouvements. Signe d’un pouvoir exceptionnel.
Ajoutons que ce concert, dédié à la gloire des solistes, était accompagné de façon remarquable par l’OSR sous la direction de M. Ernest Ansermet. [...]"