Les „Danzas Fantásticas“ (ce terme „Fantásticas“ est à traduire ici plutôt en “fantaisie“ qu'en “fantastique“), op. 22, composées en 1919 pour piano, sont mieux connues dans leur version orchestrale - bien qu'il ait été souvent affirmé qu'il s'agit là d'un des rares cas où la version orchestrale précède l'oeuvre pour piano. Cette erreur provient du fait que la première de la version pour piano, donnée par le compositeur à la Málaga Sociedad Filarmónica le 15 juin 1920, eut lieu après celle de la transcription orchestrale, entendue le 13 février 1920 au Teatro Price de Madrid, avec l'Orquesta Filarmónica de Madrid dirigé par Bartolomé Pérez Casas. Turina a mis lui-même les choses au clair: „Les Danzas Fantásticas ont été écrites à l'origine pour piano. C'est plus tard que j'ai eu l'idée de les orchestrer... après les avoir créées avec une gamme de couleurs suffisamment large pour utiliser toute la palette instrumentale“.
Ces propos de Joaquín Turina font partie d'un discours prononcé à La Havane le 31 mars 1929, intitulé «How a work is created», l'avant-dernier d'une série de sept conférences qu'il donna sur divers sujets musicaux à l'Institut hispano-cubain de la Culture. Il y aborda les subtilités du processus de composition, en prenant les „Danzas Fantásticas“ comme exemple; il expliqua que „leurs épigraphes proviennent d'un roman: La Orgía, de José Más; cela ne signifie pas que le thème littéraire ait quoi que ce soit à voir avec la musique. Les trois épigraphes se rapportent simplement d'une certaine manière à l'essence musicale et, d'une certaine manière, chorégraphique des trois danses. Ce sont des états d'esprit exprimés en rythme, conformément à la loi éternelle du contraste“.
Lors de cette conférence à La Havane, Turina donna de nombreux détails sur la gestation des „Danzas Fantásticas“ et leurs connotations littéraires et descriptives.
La première danse, „Exaltación“, est vaguement apparentée à la jota aragonaise et porte l'épigraphe suivante: „C'était comme si les personnages de cette scène incomparable se déplaçaient dans le calice d'une fleur“.
La deuxième danse, „Ensueños“, est basée sur le rythme du „zorcico“ basque (une composition ou une danse en 5/8), bien que sa partie centrale soit clairement andalouse, et son épigraphe est la suivante: „Le son de la guitare était comme la complainte d'une âme qui ne peut plus supporter le poids de l'amertume“.
La troisième danse, qui partage son nom avec le roman, „Orgía“, est une sorte d'hymne à la „manzanilla“, le vin parfumé de Sanlúcar de Barrameda, ville située à l'embouchure du Guadalquivir, merveilleux mélange de mer et de vignobles, de plage et de bars, de petites maisons blanches et de rues sinueuses.
Joaquín Turina dédia la partition à son épouse, Obdulia Garzón (leur mariage avait eu lieu le 10 décembre 1908, à Séville).
Entre le 5 et le 8 mai 1960, Ernest ANSERMET enregistra ces deux oeuvres, avec son Orchestre de la Suisse Romande, dans le Victoria-Hall de Genève, aussi bien en monophonie qu'en stéréophonie - Pr: Michael Bremner & James Walker Eng: Karl Brugger (m), Roy Wallace (s). Le tout fut publié en novembre 1960 sur les disques Decca LXT 5598 (mono) et Decca SXL 2243 (stéréo) puis en février de l'année suivante sur les disques Decca LONDON CM 9263 (mono) et Decca LONDON CS 6194 (stéréo). Je ne peux toutefois vous les proposer que dans leur version en monophonie:
Joaquín Turina, „Danzas Fantásticas“, Op. 22, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, 5 au 8 mai 1960, Victoria Hall, Genève