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Maurice RAVEL
Alborada del gracioso, M 43
Orchestre National de France
Sergiu CELIBIDACHE
4 juin 1974, Festival International de Lausanne

19e Festival International de Lausanne 1974. Au programme du concert donné par l'Orchestre National de France sous la direction de Sergiu CELIBIDACHE, avec Martha ARGERICH en soliste dans l'oeuvre de Schumann:

Cité des plus qu'enthousiasmés comptes rendus parus dans la presse romande, par exemple celui d'Henri JATON publié en page 15 de la Tribune de Lausanne du 6 juin 1974 ...

"[...] AU THÉÂTRE DE BEAULIEU À LAUSANNE - Triomphe de Sergiu Celibidache

Le succès extraordinaire que l’illustre chef a enregistré, mardi soir, à la tête de l’Orchestre National de Paris prend une valeur singulière si l’on remarque qu’il ne fut point obtenu par des moyens qui suscitent, en général, l’enthousiasme populaire, mais qu’au contraire, Sergiu Celibidache s’est imposé en usant d’arguments qui relèvent d’une conception supérieure de l’art de l’interprétation.

Dès les mesures initiales de l'"Alborada del gracioso" de Maurice Ravel, par laquelle débutait ce premier des trois concerts que l'Orchestre National donne, cette saison, dans le cadre du Festival international de Lausanne, nous étions fixés sur la nature des satisfactions qui allaient nous être procurées. Au contraire du style "pittoresque" auquel consentent, en cette circonstance, la plupart de ses collègues, Sergiu Celibidache nous a offert de l’admirable page ravelienne une traduction d’une extrême subtilité et valant, avant tout, par le raffinement des nuances réalisées par tous les registres de l’orchestre, ceux-ci atteignant entre eux, à une fusion exemplaire.

Mais, la maîtrise de Sergiu Celibidache devait s’affirmer davantage encore, peut-être, dans le prodigieux exposé que l’éminent artiste nous suggéra de la Suite pour orchestre extraite du ballet Roméo et Juliette de Serge Prokofiev. Malgré la destination "chorégraphique" originelle de l’oeuvre , la richesse de la partition du compositeur russe est telle que la présentation de l’ouvrage au concert n’altère d'aucune façon le caractère et la signification authentiques de l’un des témoignages les plus parfaits que nous ait légués Serge Prokofiev.

Toutes les productions de cette soirée mémorable devaient atteindre à un niveau exceptionnel. Jouant le Concerto de Schumann, Martha Argerich céda moins aux sollicitations poétiques que détient le chef-d’oeuvre pianistique, qu’à l’inspiration passionnée qui anime une pièce dont l’admirable virtuose nous proposa une irréprochable exécution. A juste titre, elle fut l’objet d’innombrables rappels.
[...]"

... et celui de Numa F. TÉTAZ publié en page 27 de la Feuille d'Avis de Lausanne / 24 heures du même jour:

"[...] Le concert de mardi soir fut un triomphe dans les deux sens du mot (si galvaudé que soit le terme): par la qualité de la musique comme par la frénésie des applaudissements. Il faut dire que M. Celibidache s'entend aussi bien à diriger l'une qu'à prolonger les autres.

Les connaisseurs tiennent M. Celibidache pour l'un des quatre ou cinq chefs qui comptent vraiment en Europe, et ils ont bien raison. Ils vous expliquent que sa carrière a été gênée par son refus de publier des enregistrements, et c'est vraisemblable puisque ce sont les maisons de disques qui gouvernent actuellement les trompettes de la renommée. Ils ajoutent qu'il a des exigences terribles pour le nombre de répétitions: et ce que nous avons entendu mardi ne semble guère possible sans une préparation particulièrement minutieuse.

Quand ai-je donc entendu des pianissimos aussi légers? Quel chef parvient à créer pareille tension, je dirais presque pareil suspense en baissant la voix? Qui sait faire naître ainsi les notes du silence, dont elles continuent d'ailleurs à frôler la limite? Aussi le forte, quand il survient, prend-il un relief prodigieux. Et quel soin dans les phrasés, quelle science du dosage! Quelle intelligence enfin dans cette imagination musicale! La façon dont M. Celibidache a accompagné le Concerto pour piano de Schumann a été exemplaire: un orchestre qui soutenait l'instrument soliste sans jamais en couvrir une seule note, les dialogues des bois, tout le mouvement comme baignés de rêve, une romance merveilleusement discrète: même les violoncelles ne poitraillaient pas. Mme Martha Argerich, au piano, n'a pu faire autrement que d'entrer dans ce jeu, subjuguée, aurait-on dit, et digne de tous les éloges.

L'Alborada del Gracioso de Ravel, en lever de rideau, vaut l'occasion de raffinements à vous chavirer le coeur, et je me suis surpris à écouter avec attention et plaisir les extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev, qu'on a pourtant beaucoup entendus ces derniers temps. Après, il y eut une longue série de bis, danses de toutes sortes, de Stravinsky à Johann Strauss, constituant une irrésistible progression dans la gaieté et la bonne humeur. La soirée s'acheva dans un éclat de rire général, et M. Celibidache salua une dernière fois, l'orchestre parti, au milieu de l'estrade vide, ses auditeurs rayonnants.
[...]"

Maurice RAVEL, Alborada del gracioso, M 43, Orchestre National de France, Sergiu CELIBIDACHE, 4 juin 1974, Festival International de Lausanne

        Assez vif                                                      08:34

Provenance: Radiodiffusion

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Quelques précisions sur l'oeuvre:

Ce nom d'"Alborada del gracioso" est ici à traduire par "Aubade du bouffon": "[...] "l'Alborada correspond à un chant espagnol du matin (aubade), Gracioso est dans ce contexte un terme péjoratif qui renvoie à un homme d'âge mûr usant d'artifices vains pour conquérir le coeur d'une jeune femme. "[...] cité de cette page de Wikipedia.

La première audition de la version d'origine, au piano, fut donnée le 6 janvier 1906 par Ricardo Viñes, la première de la version orchestrale eut lieu le 17 mai 1919 à Paris, par les concerts Pasdeloup.

Comme courte description une citation extraite d'un texte de Jean Cotté publié dans l'album FALP 2003 / ASDF 2003:

"[...] À ce même "Géomètre du Mystère" comme le dit si profondément Roland Manuel (*), nous devons l'épure fantastique de L'Alborada del Graciozo, quatrième panneau des "miroirs" écrits pour piano en 1905. Cette "Aubade du Bouffon" fut orchestrée un peu plus tard. [...] l'Espagne que nous tend Ravel au travers de son miroir n'a [...]d'autre réalité que le rève. Espagne à la gaité cruelle sans doute, le frémissement des guitares (**) vient mordre les soupirs les plus voluptueux, sensualité au charme inquiétant, mais détachée de toute pesanteur folklorique. Les rythmes, les allusions mélodiques au chant populaire ne sont là qu'une pure matière, un point de départ, une hypothèse de base sur laquelle Ravel construit son oeuvre dans un style et une forme éminemment françaises. Souvenons-nous de ces meubles Louis XV à décor chinoix. Ce sont les plus français de toute l'Histoire des arts décoratifs. Ravel nous donne un exemple identique dans le domaine musical, que ses oeuvres soient à décor grec, viennois ou espagnol, elles demeurent les plus révélatrices de ce qu'il est convenu d'appeler, après le moyen âge et le XVIIIe siècle, le troisième âge d'or de la Musique française [...]

(*) Cette expression de Roland Manuel - "Géomètre du Mystère" - provient d'un de ses écrits sur la Rapsodie espagnole: "[...] que retentit pour la première fois cet orchestre nerveux, félin, dont la transparence, la netteté et la vigueur sont exemplaires, dont la sonorité tout ensemble soyeuse et sèche est comme la marque de Ravel. Aucune instrumentation n’avait encore obtenu de tutti plus cassants, de piani plus légers. Géomètre du mystère, Ravel sait doser maintenant les impondérables de la substance sonore sur les balances les plus sensibles et les plus justes du monde [...]"

(*) le staccato de l'introduction évoque le pincement de la guitare.