Antonín DVOŘÁK
Concerto pour violoncelle en si mineur, Op. 104, BV 191
Maurice GENDRON, violoncelle
Orchestre Philharmonique de Londres
Bernard HAITINK
14 et 15 novembre 1967, Brent Town Hall, Londres
À New York, pendant sa période américaine (1892-1895), Antonìn Dvořák eut l'occasion d'écouter le second concerto pour violoncelle de son ami Victor HERBERT: son imagination en fut tellement stimulée qu'il se mit très vite à travailler sur une propre composition de ce genre.
John CLAPHAM, dans son excellente étude sur le compositeur, considère que l'un des aspects du concerto d'Herbert qui avait particulièrement séduit Dvořák était la manière dont, dans le mouvement lent, le soliste était accompagné par trois trombones. Jusqu'alors, Dvořák s'était montré moins audacieux dans l'orchestration de ses propres oeuvres, mais - inspiré par l'exemple d'Herbert - il utilisa dans son propre concerto pour violoncelle non seulement trois trombones, mais aussi un piccolo, un tuba et un triangle. Ajouter tous ces instruments supplémentaires était risqué, car le violoncelle est un instrument qui peut facilement être noyé dans une orchestration lourde; Dvořák utilisa toutefois ses nouvelles forces avec tant de sensibilité que le son du soliste transparaît toujours à travers la texture orchestrale, et il y a des moments, comme le duo envoûtant entre le violoncelle et la flûte, aux deux tiers du premier mouvement, où l'on atteint une intimité propre à la musique de chambre.
Dvořák commença de composer son oeuvre en novembre 1894 et apporta ses dernières modifications quelques mois plus tard, après son retour en Tchécoslovaquie. Au cours de cette période, sa belle-soeur (dont il avait été un temps amoureux) tomba gravement malade, et en hommage à celle-ci, il inséra une version déguisée de la mélodie d'une de ses chansons, „Leave me alone“, qu'elle aimait particulièrement, dans la partie centrale du mouvement lent. Son décès en mai 1895 l'inspira à composer une nouvelle fin plus longue pour le finale, où le rythme de la musique ralentit progressivement jusqu'à l'andante pour une idylle rêveuse et nostalgique (faisant à nouveau référence, “comme un soupir“ selon les mots de Dvořák, à la mélodie de la chanson) avant que l'orchestre au complet ne conclue le concerto en grande pompe.
Hanus WIHAN, le violoncelliste du Quatuor à cordes de Bohême pour lequel Dvořák écrivit cette oeuvre, irrita apparemment le compositeur en préparant une grande cadence virtuose à inclure à la fin du finale, un acte de “vandalisme“ qui conduisit Dvořák à écrire avec irritation à son éditeur que personne n'était autorisé à apporter des modifications sans son accord et à son insu. Finalement, Wihan se résigna et - en janvier 1899 à La Haye - joua l'oeuvre sous la direction de Wilhelm MENGELBERG; l'honneur de la première mondiale revient toutefois au violoncelliste Leo STERN, qui avait interprété le concerto trois ans plus tôt pour la Philharmonic Society de Londres.
À l'instar de la Symphonie Du Nouveau Monde et d'autres oeuvres de la même période, le concerto pour violoncelle de Dvořák a été minutieusement examiné par les détectives musicaux à la recherche de signes d'influence américaine, mais dans l'ensemble, la musique, avec sa riche multiplicité de mélodies chaleureuses, sonne de manière évocatrice et lyrique, dans le plus pur style bohémien.
Une courte présentation des trois mouvements de l'oeuvre - traduite des notes de Conrad WILSON publiées au verso de la pochette du disque Philips PHS 900 189:
«« Le premier mouvement s'ouvre sur une exposition symphonique à grande échelle, dont le contenu comprend, dès le début, un thème sombre et martial annoncé par les clarinettes, puis une mélodie merveilleusement ample et poétique pour cor, menant à un tutti orchestral qui prépare l'entrée du soliste avec une puissante déclaration du thème martial. En dialogue avec l'orchestre, le violoncelle fait subir au matériau de l'exposition des métamorphoses inspirées dans une large gamme de tonalités et d'ambiances et y ajoute une variété de nouvelles idées, l'un des passages les plus splendides étant l'émergence de la mélodie du cor dans toute sa gloire majestueuse sur l'orchestre complet.
Le mouvement lent en sol majeur s'ouvre sur un thème doux et orné, chanté par un quintette à vent. Le soliste le répète et se joint aux clarinettes pour le prolonger, mais l'atmosphère tranquille est brisée par l'arrivée de la section centrale, qui commence par une brève explosion orchestrale en mineur, suivie de la première apparition de la chanson „Leave me alone“, entonnée molto espressivo par le soliste. Plus tard, le thème d'ouverture tranquille revient, désormais confié aux cors, et le violoncelliste joue une quasi-cadence poétique, dont une partie est accompagnée d'un obbligato de flûte aérien. La musique s'achève tendrement et sans précipitation.
Le finale, que le musicologue britannique Donald TOVEY qualifia de “rondo court-circuité“, s'ouvre dans une atmosphère d'attente, les instruments à vent jouant doucement une sorte de “ronde nocturne“ sur un rythme persistant des cordes graves. Après un bref climax orchestral, ce thème de marche est mis en évidence avec vivacité par le soliste et conduit à une série d'autres thèmes, dont un si beau que Dvořák ne peut s'empêcher de l'attribuer à un violon solo ainsi qu'au violoncelle solo. La coda lente, déjà décrite, comprend des références au thème principal du premier mouvement et à la chanson „Leave me alone“ »».
Les 14 et 15 novembre 1967, dans le Brent Town Hall de Londres, l'Orchestre Philharmonique de Londres sous la direction de Bernard HAITINK et avec Maurice GENDRON en soliste au violoncelle enregistrèrent les trois oeuvres pour violoncelle et orchestre d'Antonín DVOŘÁK publiées sur ce disque Philips PHS 900 189.
Antonìn Dvořák, Concerto pour violoncelle en si mineur, Op. 104, BV 191, Maurice Gendron, violoncelle, Orchestre Philharmonique de Londres, Bernard Haitink, 14 et 15 novembre 1967, Brent Town Hall, Londres
1. Allegro 14:33 (-> 14:33)
2. Adagio ma non troppo 11:59 (-> 26:32)
3. Finale (Allegro moderato) 12:55 (-> 39:27)