Wolfgang Amadeus MOZART
Sonate pour piano et violon en mi mineur, KV 304 (300c)
Clara HASKIL et Arthur GRUMIAUX
16 et 17 octobre 1958, Studio de la radio à Bâle
Grâce à un certain nombre de „Duetti a Clavicembalo e Violino“ du compositeur et chef d'orchestre Joseph Schuster, Wolfgang Amadeus Mozart avait pris conscience de la forme de la „sonate en duo pour violon et piano“ - en 1777 à Munich, alors qu'elle n'en était qu'à ses débuts. Mozart les jouait, les appréciait beaucoup et décida d'écrire lui-même une série de telles sonates. Le résultat fut un recueil que Mozart dédia à Marie Elisabeth, l'épouse du prince électeur Karl Theodor. Certaines sont de style ancien: „Clavierduetti mit Geige ad libitum“, d'autres de style nouveau: „Clavierduetti mit Violin“ (ce sont les propres titres de Mozart). Ces dernières contiennent la sonate en sol majeur KV 301, composée à Mannheim, en février 1778, et celle en mi mineur KV 304, composée sans doute à Paris au début de l'été 1778, toutes deux publiées en été 1778 chez l’éditeur parisien Sieber.
"[...] Une critique dans «le Magazin der Musik» de Carl Friedrich Cramer du 4 avril 1783 décrit leur composition de la façon suivante: «Ces sonates sont uniques. Riches en idées nouvelles et portant l’empreinte de la grandeur du génie du compositeur. Très brillantes et adaptées aux instruments. L’accompagnement de violon s'allie avec un tel art à la partie de piano que l’exécution de ces sonates requiert autant d'habileté chez le pianiste que chez le violoniste». [...]"
Après son séjour à Mannheim, Mozart était arrivé à Paris avec sa mère en mars 1778. Le monde musical y était alors en pleine querelle entre les partisans de Gluck et ceux de Piccinni, Mozart ne put obtenir que de petites commandes et fut très déçu de son séjour parisien. "[...] S’il existait ici un lieu où les gens ont des oreilles, un coeur pour sentir et un peu de goût et d’intérêt pour la musique, alors je rirais de bon coeur. Mais je suis au milieu d’ânes et de bêtes.[...]"
Son séjour à Paris restera un échec sur le plan artistique et financier et va de surcroît être assombri par le décès de sa mère. Anna Maria Mozart, femme joyeuse et aimant la vie, prête à tous les sacrifices pour son génie de fils, raconte dans une lettre à son mari le voyage exténuant, en octobre 1777: "[...] «et je transpire tellement que l’eau me coule sur le visage à force de faire les bagages; au diable, tout ce fatras de voyage ! Je meurs de fatigue et aimerais me pelotonner quelque part.» Souvent, elle doit attendre son fils dans des chambres bon marché, sans chauffage, perdant de jour en jour son influence sur lui. Le 3 juillet 1778, Anna Maria Mozart meurt après une maladie d’environ deux semaines. Suite à une saignée entraînant de la fièvre, de la diarrhée et puis la perte de l’audition, elle commence à délirer, tombe dans le coma et meurt. Wolfgang Amadeus est complètement désemparé par la mort de sa mère et sa mauvaise conscience le tourmente. Il n’a pas su voir la terrible situation dans laquelle elle se trouvait et a attendu trop longtemps pour faire venir un médecin. Il n’est pas capable d’écrire la vérité à son père et s’adresse d’abord à l’abbé Bullinger, ami de la famille, dans une lettre bouleversante, le chargeant de réconforter son père et sa soeur. C’est dans ce contexte que la sonate KV 304 fut composée, seule sonate du groupe des six en mineur, avec les nombreux lugubres et pressants fp, la douloureuse sixte napolitaine et cette immense inquiétude. On sent un conflit intérieur entre la révolte et la résignation dans le désespoir. Avec cette sonate que Marguerre décrit «comme si quelque chose se brisait...», un monde s’écroule. [...]" cité des notes de Thomas Albertus Irnberger, dans une traduction de Nadine Innerhofer, publiées en 2006 dans le livret du coffret Gramola 98789 .
Le contenu musical de ses deux mouvements - Allegro et Tempo di minuetto - est très émotionnel, mais touche également au drame, de sorte que la sonate dans son ensemble montre une certaine affinité avec les oeuvres pour piano de Beethoven, qui ont atteint leur maturité et qui ont été composées seulement 30 ans plus tard. Le thème principal, introduit en octaves par le piano et le violon, crée immédiatement une atmosphère de tristesse contenue qui imprègne toute l'oeuvre. En effet, bien que le deuxième mouvement présente toute l'élégance d'un menuet, on n'y ressent aucune excitation joyeuse. Une mélancolie silencieuse règne jusqu'à un interlude en majeur, dans lequel le soleil perce les nuages sombres pendant quelques instants de sérénité. Cet interlude est inhabituellement expressif, son rayonnement semble accentuer les couleurs sombres et il fait ressortir les ombres sombres des autres épisodes avec d'autant plus de relief. (traduit des notes publiées au recto de la pochette du disque Philips 835 103 LY)
C'est pour ce disque Philips 835 103 LY que Clara HASKIL et Arthur GRUMIAUX enregistrèrent les sonates pour piano et violon KV 301, 304, 376 et 378, les 16 et 17 octobre 1958 dans le studio de la radio de Bâle:
1. Allegro 06:27 (-> 06:27)
2. Tempo di menuetto 05:30 (-> 11:57)
Vous pouvez obtenir l'enregistrement restauré de la sonate pour piano et violon en mi mineur, KV 304, ...