C'est au printemps 1879, en séjour à «Pörtschach am Wörthersee», en Carinthie, que Johannes Brahms composa sa Sonate pour violon et piano en sol majeur, op. 78. Portant le numéro 1, elle ne constituait toutefois pas une première incursion dans ce domaine particulier de la musique de chambre: "[...] Au temps de sa collaboration avec Reményi, Brahms en avait écrit une, qui avait plu à Joachim - “Il n’est pas douteux qu’elle lutte bravement, comme tout ce que vous avez fait, contre les flots de la trivialité” - et dont le manuscrit - un moment entre les mains de Liszt - avait disparu. Deux autres sonates, composées ultérieurement, avaient été détruites par leur auteur. Créé par Brahms et par Hellmesberger le 20 novembre 1879, à Vienne, l’op. 78 en sol majeur est une oeuvre fluide, aux paroxysmes rares, qui n’a rien du “cheval de bataille” pour exécutant soucieux de briller.
Articulée en trois mouvements, elle s’ouvre par un „Vivace ma non troppo“ à 6/4 dont l’élégant premier thème, joué par le violon sur de calmes accords du piano, rappelle le “Regenlied”, troisième volet d’une série de huit Lieder terminés en 1873. D’où le nom de “Regen-Sonate” (“Sonate de la pluie”) que l’on donne parfois à l’ouvrage. Avant la fin de l’exposition, deux autres thèmes sont présentés: l’un con anima, décidé et presque joyeux au violon; l’autre, dans le tempo initial et pianissimo au piano. Tout le mouvement est construit, sans heurts, à partir de ces trois motifs fondamentaux et d’idées subsidiaires auxquelles Brahms se garde de donner des arêtes trop vives.
Dans l’„Adagio“ en mi bémol majeur, la main droite du pianiste expose un thème admirable en forme d’hymne, repris par le violon et conduisant à un „più andante“ en si mineur introduit, au clavier solo, par une sombre transition de six mesures. Un épisode marcato mène, sur un rythme pointé du piano, à un point d’orgue qui ponctue le retour du thème initial. Elisabeth von Herzogenberg se référait-elle à ce passage dans sa lettre du 24 novembre 1879: “Quand je joue la dernière partie de cet Adagio avec son céleste point d’orgue que je fais durer le plus longtemps possible, je sens que vous êtes un homme bon”?
Loin de sacrifier aux impératifs d’une virtuosité spectaculaire, le final „Allegro molto moderato“ reste dans le ton de la confidence (climat dans lequel baigne, finalement, l’oeuvre entière) et son premier thème en sol mineur directement issu du “Regenlied” s’inscrit curieusement dans une perspective “fauréenne” que l’on ne s’attend pas à trouver chez Brahms. L’élégance raffinée et la souplesse mélodique de l’auteur de “Pénélope” se retrouvent effectivement ici, et dans le second thème en ré mineur énoncé en imitations par les deux partenaires. Étrange rapprochement, que l’on peut évidemment contester (d’ailleurs, il relève sûrement du hasard) et que n’eût probablement pas apprécié celui qui estimait que “de toute l’oeuvre assemblée de Brahms, rien d’assez puissamment victorieux ne se dégage, qui puisse nous courber au-delà d’une considération distinguée”! [...]" cité des notes de Jean DUPART publiées dans l'album Philips / Collection Trésors Classiques 9500 161.
L'enregistrement qui en est proposé ici fut fait pour le label Concert Hall - publié sur les disques Chamber Music Society CM 9 et LE A 11 - avec Louis KAUFMAN au violon et Hélène PIGNARI au piano.
Selon l'autobiographie «A Fiddler's Tale: How Hollywood and Vivaldi Discovered Me» de Louis et Annette Kaufman, pages 325 et 419, l'enregistrement a été fait au début d'août 1954, lors d'un séjour à Zürich (où Louis Kaufman a souvent séjourné):
1. Vivace non troppo 09:18 (-> 09:18)
2. Adagio 07:18 (-> 16:36)
3. Allegro molto moderato 07:19 (-> 23:55)