Joaquín TURINA
La procesión del Rocío, poème symphonique, op. 9
Orchestre de la Suisse Romande
Pedro (António da Costa) de FREITAS BRANCO
21 novembre 1956
La „Procesión del Rocío“, dont la composition fut achevéee en 1912, fut la première oeuvre orchestrale de Turina et celle qui le fit remarquer par le grand public. Il s’agit d’un poème symphonique qui décrit la procession qui a lieu une fois l’an dans le village d’„El Rocío“, dans les marais entre Séville et Huelva, bordant l’actuelle réserve naturelle de Donana. Dans cette scène pittoresque se mêlent cavaliers et voitures à chevaux. Turina relate l'événement de façon très narrative, utilisant un orchestre qui reprend de nombreux éléments propres aux maîtres de l’impressionnisme français.
Le poème symphonique est divisé en deux sections, qui sont jouées sans pause. La première, Triana en Fête, dépeint le quartier animé de Triana et se caractérise par une alternance entre des mesures à deux et trois temps.
La seconde section, La Procession, décrit le lent défilé à travers la ville de Triana. L'entrée de la procession dans l’église du village est décrite littéralement, avec les cloches qui carillonnent et un orchestre qui joue l’hymne national espagnol. Turina utilise la flûte et les percussions pour mener la procession à travers la ville, suivie de plusieurs répétitions d'un thème religieux. Après trois répétitions de la mélodie à la flûte, la pièce revient au thème de la première section avant de se terminer par un passage contemplatif.
La première audition de cette oeuvre fut donnée en mars 1913 par l’Orchestre Symphonique de Madrid placé sous la direction de Fernández Arbós.
Le compte-rendu de Franz WALTER publié en page 8 du Journal de Genève du lendemain:
"[...] Le quatrième concert de l’abonnement a ramené devant l’OSR le chef portugais Pedro de Freitas Branco dont l'apparition à ce même pupitre, il y a une vingtaine d’années, avait laissé le meilleur souvenir à tous ceux qui en furent les témoins. Marqué par un concert au Festival de Lucerne et à Radio Genève, le contact gardé par cet artiste avec notre pays, s’il a été espacé, n’en a pas moins été toujours fort sympathique. Et l'on a retrouvé hier soir les qualités de ce chef élégant aux conceptions simples et claires qui construit avec netteté et d'un geste sobre et décidé - avec parfois certains mouvements de panache assez séduisant - des interprétations dont le grand mérite est de mettre toujours en évidence les éléments essentiels de chaque oeuvre tout en montrant une infatigable vitalité. Il était manifeste aussi que plus la soirée avançait, plus M. Freitas Branco prenait possession de son orchestre. Et après une Ouverture d'Euryanthe, vivante et bien dessinée avec quelques interventions un peu trop vigoureuses des cuivres - et après une exécution très colorée d'une pièce de Turina, le chef portugais détailla de manière particulièrement remarquable le Menuet des Follets et la Danse des Sylphes de Berlioz, pour enlever enfin, avec infiniment de brio, la fameuse Marche hongroise de la Damnation de Faust.
Par une coïncidence assez fâcheuse(*), les programmes de nos concerts de l'abonnement prévoyaient, coup sur coup, deux oeuvres importantes de compositeurs soviétiques. Si l'on peut approuver le comité de l'OSR de vouloir maintenir la musique en dehors et au-dessus des contingences que l'on sait et d'avoir maintenu, il y a quinze jours, la Symphonie de Chostakovitch, on ne saurait la blâmer non plus d'avoir renoncé à la Symphonie de Prokofieff au programme d'hier soir devant l'évidente hostilité que ne pouvait manquer de provoquer auprès d'une partie du public cette nouvelle audition. Cette décision nous a valu, au reste, d'entendre, au milieu d'un programme un peu bien panaché une partition d'un compositeur dont le nom est rarement à l'affiche de nos concerts symphoniques, Olivier Messiaen, et d'adresser une sorte d'hommage à l'héroïsme hongrois en terminant le concert par la Marche hongroise.
Les quatre Méditations symphoniques groupées sous le titre de l'Ascension par Olivier Messiaen ont plus de vingt ans d'âge (l'auteur en avait 25); elles ne reflètent donc encore que timidement les aspects assez hétéroclites, les théories ou systèmes quelque peu déconcertants qui ont marqué d'un relief très spécial au cours de ces deux dernières décennies la personnalité de Messiaen; personnalité manifestée non seulement dans sa musique mais aussi par l'abondante auto-exegèse de l'auteur dans laquelle ce dernier affiche un mysticisme si curieusement délirant.
Pour essayer de comprendre la portée de la musique de cette Ascension, il faut considérer cette personnalité composite de Messiaen qui est faite à la fois de recherche et de naïveté. Sur le plan du savoir-faire, cette partition révèle une particulière sûreté de main où se manifeste d'ailleurs l'organiste sensible qu'est Olivier Messiaen. Témoignant d'une remarquable « registration - d'ailleurs Messiaen l'a adaptée à l'orgue - la musique dispense des harmonies d'une certaine verdeur, mais aussi souvent d'une suavité légèrement écoeurante. D'une manière générale elle évoque bien les tons de vitrail ou d'arc-en -ciel que Messiaen ambitionne de reproduire. Mais force est de constater aussi, pour rester sur le plan de l'évocation, que les images ecclésiastiques qu'elle est en mesure de nous offrir sont celles des statues coloriées de stuc et de plâtre plus que celles des toiles de maîtres et qu'elle nous dispense en quelque sorte la réalité matérielle de l'odeur de l'encens plus que l'oubli dans la méditation. Et ce n'est pas sans quelque malaise que l'on subit l'étrange fadeur qu'elle dégage trop souvent.
Quant à la Procession del Rocio de Turina, c'est une page extrémement bien sonnante et qui, dans le genre, a le charme très évident de beaucoup d'autres oeuvres semblables de compositeurs espagnols.
André Perret était l’interprète du Concerto de piano de Grieg. Ce jeune artiste est présentement dans une forme éblouissante et l’on ne saurait assez vanter le remarquable travail en profondeur qui n’a cessé de s’accomplir chez lui. Avec une calme maîtrise, une sonorité remarquablement étoffée, André Perret conféra à ce concerto une magnifique carrure et un puissant élan toujours parfaitement contrôlé.[...]"
(*) L'année 1956 fut marquée en Hongrie par l'insurrection de Budapest ou révolution de 1956, la révolte populaire spontanée contre le régime communiste hongrois et ses politiques imposées par l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) qui dura du 23 octobre au 10 novembre 1956.
Joaquín Turina, La procesión del Rocío, poème symphonique, op. 9, Orchestre de la Suisse Romande, Pedro (António da Costa) de FREITAS BRANCO, 21 novembre 1956
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Triana en fête - La Procession - Orchestre de la Suisse Romande
À titre de comparaison, l'enregistrement qu'en avait fait Pedro de Freitas Branco trois ans auparavant avec l'Orchestre Symphonique de Madrid, tel que publié sur le disque Westminster WL 5320 (paru à l'origine sur Ducretet-Thomson LAG 1048):