Cette sonate est assez particulière, les second et quatrième mouvements ayant été composés par Robert Schumann, le premier par Albert Dietrich et le troisième par Johannes Brahms.
Son histoire, telle que racontée par Steven ISSERLIS dans les notes qu'il publia en 2009 chez Hypérion (lors de la transcription qu'il en fit pour violoncelle et piano):
"[...] À la fin de septembre 1853, Robert et Clara furent électrisés par la visite d’un jeune homme charismatique, un certain Johannes Brahms apparu chez eux avec une lettre de recommandation du grand violoniste Joseph Joachim. Ce dernier devait les rejoindre quelques semaines plus tard et son arrivée imminente suggéra à Schumann un sympathique projet: s’associer avec Brahms et un autre jeune disciple, Albert Dietrich, pour composer une sonate pour violon fondée sur les lettres de la devise de Joachim, «F–A–E» («frei aber einsam», «libre mais solitaire»). Joachim devait la jouer à son arrivée et, chose assez aisée, identifier le compositeur de chaque mouvement. Schumann fournit le mouvement lent (un Intermezzo) et le finale, Dietrich le premier mouvement et Brahms le Scherzo.
La Sonate est une pièce extraordinaire - curieuse, c’est vrai, mais fascinante (et avec un petit goût de revenez-y!). Dès les grandioses premiers accords de l’introduction, on voit que le propos est d’importance, comme si Schumann avait su que ce serait une oeuvre d’adieu. Voilà une musique toute en contrastes extrêmes: la folle passion du premier mouvement est interrompue par le paisible second sujet, baigné de cette intimité si particulière, qui fait de Schumann un compositeur à part. Le second mouvement est fort original, voire expérimental: impossible de dire si le scherzo dure seulement huit mesures et est suivi de deux trios ou si la première section «en trio» est en réalité le scherzo principal, avec une mélodie chantante par-dessus le rythme dansant. L’Intermezzo, lui, est touchant, magique - n’y a-t-il pas là, assurément, un fort sentiment d’adieu? Le finale, enfin, est constamment marqué par l’excentricité avec, notamment, une fugue folle, qui occupe tout le développement, et une coda qui explose dans un étonnant flamboiement pyrotechnique virtuose. (Le pauvre Joachim a dû faire un petit arrêt cardiaque quand on lui a demandé de la déchiffrer à vue!) Voilà une conclusion idéale pour une oeuvre qui boucle la carrière du Schumann compositeur de formes à grande échelle.
Trois grandes raisons m’ont poussé à réaliser cette transcription: primo, l’écriture violonistique de Schumann, dans un registre assez grave, sonne plus aiguë, et donc plus brillante, quand on passe au violoncelle; secundo, le violoncelle mérite un dédommagement pour les Romances cruellement volées; tertio, les violonistes jouent si rarement cette oeuvre qu’ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes si les violoncellistes la leur piquent! Oh, et puis quarto: je l’adore. [...]" cité des notes rédigées par Steven ISSERLIS, publiées en 2009 chez Hypérion.
Dans l'interprétation d'Aïda STUCKI et de Pina POZZI (*) proposée ici, il s'agit d'une prise de son de la Radiodiffusion-télévision française RTF faite à Paris en 1956, en concert. Je n'ai pas encore pu trouver plus de précisions: si une personne visitant cette page en sait plus, toute information m'intéresse -> COURIEL.
(*) Pina POZZI (14.01.1914-septembre 1966), originaire du Nord de l'Italie, émigra très jeune en Suisse. Elle étudia au Conservatoire Giuseppe Verdi de Milan, puis auprès d'Anna Hirzel-Langenhan, en Suisse, ainsi qu'aux USA auprès de Frank Mannheimer. En parallèle de sa carrière de soliste, elle fut ensuite professeur au Conservatoire de Winterthur.
Outre ses prestations avec l'Orchestre Symphonique de Winterthur, elle joua souvent avec - entre autres - le Quatuor de Winterthur et le Quatuor Pascal. Elle forma aussi un duo avec Aida Stucki (Aida Piraccini-Stucki), une excellente violoniste et pédagogue (Anne-Sophie Mutter fut l'une de ses élèves).
Robert Schumann, Sonate pour violon et piano F.A.E. (Frei Aber Einsam, libre mais solitaire) en la mineur (Sonate pour violon et piano de Robert Schumann, Albert Dietrich et Johannes Brahms), Aïda Stucki, violon, Pina Pozzi, piano, 1956, Paris
1. Allegro [Albert Dietrich] 10:51 (-> 10:51)
2. Intermezzo. Bewegt, doch nicht zu schnell 03:09 (-> 14:00)
3. Allegro [Johannes Brahms] 04:53 (-> 18:53)
4. Finale. Markiertes, ziemlich lebhaftes Tempo 06:18 (-> 25:11)