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Alexander SKRJABIN
Le poème de l'extase, Op. 54, (Symphonie No 4)
Orchestre Symphonique de la Radio de Cologne
Hans ROSBAUD
21 avril 1952

Dans le domaine orchestral, “Le Poème de l'Extase“ d'Alexander SKRJABIN témoigne de la maîtrise désormais acquise par Scriabine de son propre langage qui par l'originalité et la nouveauté ne le cède en rien à ceux de Debussy et de Schoenberg - tout comme sa 5e sonate pour piano, qui suit immédiatement et s'inspire des mêmes sources.

Sur cette oeuvre, un excellent descriptif cité des superbes notes de Christof RUEGER (traduction de Pierre BALASCHEFF) publiées en 1980 dans le livret du coffret Philips 6769 041:

"[...] Depuis la Troisième Symphonie, dont le sous-titre “Le Divin Poème“ est déjà prémonitoire, trois années seulement se sont écoulées; cependant une cristallisation décisive s'est manifestée. Le système harmonique spécifique de Scriabine s'est consolidé; l'orchestre est augmenté, le domaine “rythmométrique“ plus différencié. La pluralité de thème déjà aperçue dans “Le Divin Poème“ s'est maintenant définitivement établie à la place du dualisme thématique conventionnel. En conséquence, les images thématiques se condensent en motifs, le développement symphonique devient par endroit haletant, voire hâtif, l'état émotif progresse jusqu'à une “extase“ dûment calculée et provoquée avec maîtrise. Et lorsque, dans les tournants décisifs, la volonté humaine vient à prendre la parole, rayonne la froide lumière des motifs de trompette à allure de fanfares. La partition exceptionnellement condensée et sa “technique motivique pointilliste“ (Albert) ne facilitent pas l'audition, mais rendent d'autant plus précieuse l'assimilation finale de l'oeuvre.

Par son contenu, le Poème est un prolongement de la Troisième Symphonie: l'homme libre, s’élevant victorieusement du doute et des agressions extérieures, se réalise dans une puissance enthousiaste d'action. C'est cet état d'une joie et d'une aptitude à agir accrues que Scriabine nomme “extase“, mais à ce concept manque totalement l'acception accessoire courante de “griserie“ et de “pulsion inconsciente“. Son extase est plutôt un émerveillement dans la clarté, éveillé et sobre (c'est ainsi qu'il a dit une fois que tous stimulants et toutes sources d'inspiration extérieures n'avaient plus pour lui la moindre signification).

“Le Poème de l'Extase“ fut composé après le succès de la Troisième Symphonie. Au début de 1905, Scriabine s'était rendu en Italie avec sa deuxième épouse Tatiana Schloezer. Dans le village de pêcheurs Boliasco, près de Gênes, il vécut des mois d'un bonheur sans nuage,et c'est ici que s'élabora le plan du “Poème de l'Extase“. Mais avant son achèvement s'interposa encore une tournée en Amérique, arrangée par un ami, le chef d'orchestre Altschuler, qui alors dirigea en décembre 1908 sa première exécution à New York; la première russe suivit au début de l'année suivante à Pétersbourg,sous la direction de Warlich.

Bien que le compositeur range encore cette oeuvre dans le cadre de sa production symphonique (pendant le processus de la composition, il l'appelait aussi sa “Quatrième Symphonie“), elle relève plutôt du genre au poème symphonique en un mouvement. Tout un cycle y est comprimé en une gigantesque forme sonate avec deux développements. L'exposition (110 mesures) ne présente pas moins de huit thèmes principaux, que Scriabine a en partie commentés lui-même, en partie laissé deviner. Il s'y forme trois groupes: un actif (thèmes de la volonté et de l'affirmation de soi, à quoi s'ajoute encore le thème de développement de la protestation), un passif-sensuel (thèmes de la nostalgie, du rêve, des êtres créés) et un groupe rythmiquement animé (thèmes du flottement, de l'inquiétude).

L'exposition (dans l'ensemble, encore sous l'emprise des thèmes passifs) débute par une ravissante cantilène de flûte, pour ainsi dire voilée - un motif exotique de nostalgie, jeu symétrique autour d’un intervalle chromatique interne (la dièse - si). Le développement s'ouvre sur le même thème, à qui vient ici s'ajouter tout son “cortège“ (thèmes des êtres créés et du rêve). Leur “merveilleux sortilège“ s'épanouit pleinement avant que se manifeste la sphère dramatico-active, secondée par les impressionnants motifs de mouvement: un combat imminent se prépare. Un roulement mat de tam-tam et un pesant fortissimo des cuivres laissent craindre une victoire des forces du mal.

Alors pour la première fois le “motif de protestation“ entre en scène: sa chute de septième (trombone) est de la plus grande plasticité. La conclusion de ce premier développement met en valeur l'héroïsme du thème de l'affirmation de soi (le seul thème au sens propre du mot) et l'aide à effecteur sa percée. Même les répétitions d'accords, menaçantes à l'origine, du thème “de l'inquiétude“ prennent à présent une nuance d'enthousiasme et d'acquiescement.

La décisive culmination finale est apportée par une coda étendue: après une imbrication contrapuntique raffinée de plusieurs thèmes, on parvient à un océan de joie, de clarté et d'émerveillement, qui,selon les mots de Scriabine, doit “inonder le monde entier“ (ici il est légitime de penser que l'auteur songeait déjà sérieusement à utiliser dès cette oeuvre les composantes de la lumière et de la couleur). À pavillons levés, huit cors, une trompette et un orgue “annoncent“ le fier thème fondamental de l’affirmation de soi - augmenté,sous un fiévreux ostinato d'une polymétrie diversifiée et aux sons également triomphants du Glockenspiel. Un rayonnant ut majeur clôt cette oeuvre (ainsi que “Le Divin Poème“) - impérieux symbole d'une conscience affermie du moi et de la victoire. „Dans le feu incessant de la tension créatrice Scriabine voit la puissance purificatrice qui conduit l'homme à la lumière et à la vérité“ (Chominski).
[...]"

L'interprétation qui en est proposée ici provient d'un concert donné à Münich le 21 avril 1952, Hans ROSBAUD dirigeait l'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise. Au pro­gram­me:

-►  Jean Sibelius, Symphonie No 4
-►  Arama Khatchaturian, Concerto pour violoncelle
-►  Wladimir Vogel, Ritmica ostinata

Terminant ce concert:

Alexander Skrjabin, Le poème de l'extase, Op. 54, (Symphonie No 4)         21:11

Provenance: Radiodiffusion

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