D'octobre 1885 à avril 1886, Richard Strauss assista Hans von Bülow dans la direction de l'orchestre de Meiningen. Il y fit notamment la connaissance de Johannes Brahms et d'Alexander Ritter - ce dernier l'orienta vers l'étude des oeuvres de Berlioz, Liszt et Wagner, et l'incita à composer des poèmes symphoniques. D'autre part, Johannes Brahms lui conseilla de séjourner quelques temps en Italie: c'est ainsi que le jeune Richard Strauss fut amené à partir en vacances en Italie et à y commencer d'écrire son premier poème symphonique - intitulé «Aus Italien» - qui est en fait une symphonie formée de quatre poèmes symphoniques.
"[...] Dans le premier mouvement, «Auf der Campagna», Strauss se tourne vers le passé. L'atmosphère initiale de la musique évoque l'aube qui se lève sur la «Campagna», ce pays brumeux et bas situé au-delà de Rome. La quiétude et la solitude de ce pays recèlent de nombreux secrets tragiques. Strauss dépeint un lever de soleil et une aube radieuse, cette heure du jour qui confère toujours une splendeur méritée à la scène désolée. Il y a dans la musique une suggestion de dévotion solennelle comme dans les temps passés. „Au plus fort de la musique du lever du soleil", selon Specht (*), „c'est comme si Rome se trouvait soudain devant le regard du «Wanderer»“.
Le fait que le compositeur avait la Rome antique à l'esprit est confirmé par le deuxième mouvement, «In Roms Ruinen», dans lequel Strauss „complète la tragédie cachée de la «Campagna»“. Strauss a décrit ce mouvement comme „une vision fantaisiste de la gloire perdue, des humeurs pensives et tristes au milieu d'une présence lumineuse“. Dans le développement et la récapitulation de ce mouvement, la musique devient plus ardemment passionnée et animée.
«Sorrento», avec ses couleurs vives et ses beautés scéniques - ses innombrables fleurs, ses éminences rocheuses aux teintes variées, ses plages d'un blanc laiteux et sa mer aux teintes sans cesse changeantes - a inspiré à Strauss un tableau d'ambiance d'une extraordinaire beauté, dans lequel la richesse éclatante des cordes forme une tapisserie sur laquelle des mélodies étincelantes tracent des embellissements qui se détachent de son arrière-plan comme des fils de plusieurs couleurs. Cette musique évoque l'agitation de la mer, les bateaux et les chanteurs, le murmure lointain des cyprès et des oliviers. Ce mouvement est la première manifestation poétique de Richard Strauss, le maître de la peinture tonale. La beauté même de sa sonorité orchestrale a souvent incité à le programmer séparément du reste de l'oeuvre. Mais ce n'est pas à bon escient, car, comme l'a dit Newman, ce mouvement et le premier restent parmi les „oeuvres les plus sincères et les plus exquises de Strauss“.
La turbulence prévaut dans le finale, «Neapolitanisches Volksleben». Le thème principal, basé sur la chanson «Funiculi, funicula», est traité avec „un abandon orageux... les motifs s'empilent les uns sur les autres, pleins de folie et d'arrogance" (Specht). Il y a une audace juvénile dans cette musique, et une vivacité qui la maintient toujours en mouvement. C'est comme si Strauss avait trop bu de «Lacrimae Christi» (ce vin subtil et vésuvien contre lequel Baedeker met en garde ses lecteurs) - et que ses effets capiteux étaient restés dans sa mémoire. Les éclats de rire sauvages et l'extase orgiaque de son développement suggèrent sûrement des envolées d'imagination stimulées par le «troppo vino». En effet, comme le dit Specht, ils chassent toutes les „humeurs sobres qui, de temps à autre, viennent s'interposer“. [...]"
[*] Il s'agit de Richard SPECHT, l'un des biographes de Richard Strauss.
L'enregistrement proposé sur cette page date de 1970, le «Kölner Rundfunk-Sinfonie-Orchester» étant dirigé par Hanns-Martin SCHNEIDT, à cette époque «Generalmusikdirektor (GMD)» du «Sinfonieorchesters Wuppertal» (1963–1985). Je n'ai pas encore pu trouver si l'enregistrement fut fait en studio ou en concert. Si une personne visitant cette page en sait plus -> couriel!
Le dernier mouvement a deux très courts défauts - pertes de ligne - que je n'ai pas pu suffisamment bien corriger.
Voici donc...
Richard Strauss, «Aus Italien», poème symphonique Op. 16, TrV 147, Orchestre symphonique de la Radio de Cologne, Hanns-Martin Schneidt, 1970
1. Auf der Campagna - Andante 09:42 (-> 09:42)
2. In Roms Ruinen - Allegro molto con brio 11:54 (-> 21:36)
3. Am Strande von Sorrent - Andantino 11:05 (-> 32:41)
4. Neapolitanisches Volksleben - Finale, Allegro molto 08:52 (-> 41:33)