Claude DEBUSSY
„Proses Lyriques“, cycle de mélodies pour voix et piano, L 90 (L 84)
Flore WEND, soprano
Odette GARTENLAUB, piano
9 mars 1954, Salle Aydar, Paris
«« Les quatre mélodies qui composent le cycle des „Proses Lyriques“ datent de 1893. Elles peuvent donc être considérées comme contemporaines du „Prélude à l'après-midi d'un faune“, du quatuor à cordes, et surtout des tout premiers mois de la genèse de „Pelléas et Mélisande“.
Les poèmes, écrits par le musicien lui-même, ont souvent été jugés avec une sévérité excessive. Leur extrême affectation rappelle assez bien l'art de Mallarmé, de H. de Régnier et de la plupart des poètes avec lesquels Debussy était alors en relation. Il les rencontrait presque chaque semaine aux célèbres “mardis“ de Mallarmé, “chambre à souper“ du symbolisme, avec Oscar Wilde, Pierre Louys et quelques peintres et écrivains. Verlaine y apparaissait aussi souvent, mais niait appartenir au mouvement qui, néanmoins, se réclamait de lui. Tentant de renouveler la tradition de Ronsard et des poètes de la Pléiade, Mallarmé, les symbolistes et Verlaine lui-même enseignaient volontiers que l'art des sons et l'art des mots devaient s'aider et dépendre l'un de l'autre. Sans se douter de l'influence considérable que leurs théories allaient avoir sur la composition de Debussy, ils se limitaient au culte de Wagner, auquel ils avaient érigé un véritable monument littéraire. Avec les quatre mélodies enregistrées ici, le jeune Debussy renouait sans effort avec le genre particulier de musique française que cent ans d'errance difficile avaient fait perdre.
Sans classer Debussy au rang des grands maîtres de la poésie française, les textes des „Proses Lyriques“ devraient lui valoir une place honorable dans les anthologies du symbolisme. On y distingue facilement l'influence de ses amis, mais ses vers ne tombent jamais dans l'obscurité “mallarméenne“. Leur expression claire et leur légèreté ironique rappellent dans l'ensemble Jules Laforgue.
Très différentes les unes des autres, ces quatre chansons reflètent distinctement les principaux aspects de l'art de Debussy à cette époque.
La première pièce, „De rêve“, est sans aucun doute dans l'esprit de certaines pages de Pelléas; même narration brumeuse, même lyrisme agité, mêmes images harmoniques du texte. Certains motifs mélodiques, confiés ici au piano, sont les précurseurs de certaines phrases instrumentales qui se détachent dans la partition du drame lyrique, tout comme certaines successions d'accords particulièrement caractéristiques se retrouvent ici et là avec la même valeur expressive.
„De grève“, la seconde pièce, sans jamais évoquer clairement la mer, est étroitement lié, dans la partie piano, à des pièces ultérieures pour clavier inspirées par la contemplation ou le souvenir des étendues et des paysages marins. La ligne vocale est plus romantique, procédant plus volontiers par grands intervalles mélodiques.
La troisième pièce, „De fleurs“, selon Louis Laloy, „à l'agitation d'un mauvais rêve; il semble faire allusion aux „Serres chaudes“, poème morbide de Maeterlinck, que Chausson a ensuite mis en musique; il est dédié à l'épouse du compositeur“. Le début de la partie piano, écrite entièrement en accords parfaits successifs, ressemble curieusement aux formes légèrement primitives de Satie, et la ligne vocale, inhabituellement émouvante et audacieuse, justifierait à elle seule sa dédicace à l'épouse de l'auteur de la dernière grande symphonie romantique.
La quatrième pièce, „De soir“, est la distorsion, à travers le prisme de la sensibilité particulière de Debussy, de la gaieté des danses enfantines. Le mouvement, „modérément vif“, varie à peine, et le rythme fondamental, en particulier, est maintenu presque constamment, sans toutefois la moindre expression de rigidité. De même, certains motifs pianistiques, répétés avec insistance, ont plus de valeur en tant qu'ornementation naïve qu'en tant que méthode expressive de significations lointaines.
Les 3e et 4e pièces des „Proses Lyriques“ („De fleurs“ et „De soir“) furent données en première audition à la Société Nationale, le 17 février 1894, par Thérèse Roget, avec le compositeur au piano. Le cycle complet semble avoir été donné en première audition à Lyon, le 20 février 1903 chez Mme Mauvernay. »» Traduit des notes de Roger COTTE publiées en anglais au verso de la pochette du disque „The Haydn Society Boston“ HSL 106.
C’est le jeune éditeur français Michel BERNSTEIN, le futur créateur des labels Valois, Astrée ou bien plus tard Arcana, qui proposa à la soprano Flore WEND - alors installée à Paris - de se consacrer à quelques cycles de Claude DEBUSSY, en l’occurrence „Proses lyriques“, les „Chansons de Bilitis“ et les „Ballades de François Villon“. Bernstein publia ces sessions sur son premier label, „Vendôme“. Dans cette prise de son datant du 9 mars 1954, faite dans la Salle Aydar de Paris avec André CHARLIN comme ingénieur du son, publiée sur „Vendôme“ CM 9101, puis rééditée sur „The Haydn Society Boston“ HSL 106, Flore WEND est accompagnée au piano par Odette GARTENLAUB:
1. De rêve 06:01 (-> 06:01)
2. De grève 03:21 (-> 09:22)
3. De fleurs 05:41 (-> 15:03)
4. De soir 04:02 (-> 19:05)
Provenance: Vendôme CM 9101, „The Haydn Society Boston“ HSL 106.