«Ibéria» - la 2e pièce du tryptique «Images», elle-même un triptyque dans le triptyque - fut composée entre 1905 et 1908, et donnée en première audition le 20 février 1910 par l'Orchestre de Concerts Colonne sous la direction de Gabriel Pierné. La première audition suisse eut lieu le 13 janvier 1917 au Théâtre de la Ville de Genève, l'Orchestre des Concerts d'abonnement étant dirigé par son chef titulaire, Ernest ANSERMET. Dans la brochure-programme du concert on pouvait lire l'introduction à l'oeuvre suivante:
"[...] À propos du «Prélude à l’Après-midi d’un faune», on a marqué, ici même, les caractères essentiels de la première période créatrice de Claude Debussy, période vraiment miraculeuse, où surgit sans heurt, avec la sûreté d’une force naturelle, un art tout nouveau, très personnel et cependant profondément représentatif de son temps et de son pays, puisqu’il réunit en lui les aspirations qui avaient tenté de s’exprimer par l’impressionisme en peinture et par le symbolisme en littérature. On sait que cette période est tout entière remplie de la tranquille élaboration de «Pelléas et Mélisande», cependant qu’elle porte des fruits dans tous les genres, et qu’elle est marquée notamment dans le domaine symphonique par l’oeuvre citée plus haut et par les «Nocturnes».
Dès 1902, ou 1904 selon l’avis de M. Louis Laloy, une nouvelle période commence, période de maturité, où l’art debussyste ne change pas ses caractères essentiels, mais semble se ramasser davantage, ne se donne qu’éprouvé et réduit à l’essentiel; d’où une apparence plus sèche, mais aussi une ossature plus accusée; il semble qu’au lieu de céder au besoin d’une notation immédiate de ses impressions, le compositeur consente à les retenir pour les faire participer à une composition de plus grand style. Dans le domaine symphonique, cette nouvelle période est marquée par la Mer, qui est une vraie symphonie, et par les Trois Images pour orchestre, parues en 1909.
Ces «Trois Images», «Rondes de Printemps», «Gigue triste», et «Ibéria» sont indépendantes les unes des autres et n’ont de commun que ce caractère indiqué par le titre, d’oeuvres agissant par l’imagination et la sensibilité. Par la même, elles devaient entraîner l’auteur à y déployer toutes les ressources de son invention harmonique et orchestrale.
«Ibéria», notamment, la plus considérable des trois, est une des oeuvres les plus «poussées», les plus riches de couleur et de variété que Debussy ait écrites. Elle comprend trois parties largement composées et formant un tout bien équilibré . «Par les rues et par les chemins» , «les Parfums de la Nuit» , «le Matin d’un jour de fête». Ces titres sont assez évocants pour qu’aucun autre détail sur l’intention de ces morceaux ne soit nécessaire, il n’est pas dans la nature de l’art debussyste, d’ailleurs, de s’appuyer sur des anecdotes; il ne s’agit pas non plus ici de tableaux réalistes, destinés à mettre en oeuvres d’authentiques thèmes espagnols — rien d’une vraie «rhapsodie» — si le compositeur a puisé son inspiration dans les possibilités évocatrices et pittoresques des rythmes populaires espagnols, tous les éléments de son oeuvre n’en portent pas moins sa marque propre. Comme l’indique le titre plus lointain d'«Ibéria», c'est une Espagne de rêve, où nous entraînent ces images; et l’on pourrait penser ici aux poèmes où d’autres poètes, littéraires, ceux-là, Baudelaire ou Mallarmé, évoquaient aussi des pays de soleil et de beauté, pour mieux s’évader de leur réalité quotidienne. [...]"
Ernest ANSERMET, photo de presse DECCA, probablement des années 1960 (cliquer sur la photo pour une vue agrandie, cliquer sur la vue agrandie pour la fermer)
L'enregistrement proposé ici provient du 12e concert de l'abonnement de la saison 1965-1966 donné au Victoria-Hall le 30 mars 1966 par l'Orchestre de la Suisse Romande sous la direction d'Ernest ANSERMET, avec au programme: