Wolfgang Amadeus MOZART / Marius CASADESUS
Concerto pour violon et orchestre KV Anh. 294a /
/ KV Anh. C 14.05, dit «Concerto Adélaïde»
Louis KAUFMAN, violon
Netherlands Philharmonic Orchestra
Otto ACKERMANN
22 juillet 1952, Église Néo-Apostolique de Hilversum
«« Chaque fois qu'il est question du „Concerto d'Adélaïde“, les mêmes doutes sont émis quant à son authenticité. Ils ne sont pas injustifiés, mais, ironiquement, l'argument le plus fréquent des détracteurs peut être écarté d'emblée: on entend toujours les sceptiques se demander si une oeuvre d'une telle maturité a pu être écrite par un enfant de dix ans... Il ne faut toutefois pas oublier que le jeune Mozart avait composé des symphonies à l'âge de huit ans déjà: il en avait écrit cinq lorsqu'il arriva à Versailles au printemps 1766 afin de jouer pour le plaisir de la princesse Adélaïde, fille aînée de Louis XV.
La cour se montra cordiale à l'égard du prodige itinérant, qui avait déjà fait étalage de ses talents phénoménaux devant la moitié de la royauté européenne. Mais peu de données scientifiques sont disponibles sur l'intermède versaillais; nous ne pouvons qu'être relativement sûrs de ce qui s'est passé. La légende veut que Mozart ait écrit ce concerto en guise de remerciement à son hôtesse violoniste, à qui il est dédicacé comme suit:
«Madame,
En acceptant l'hommage que mes pauvres efforts rendent à votre grand talent, vous me comblez une fois de plus de vos faveurs. Si vos augustes yeux ont veillé sur mon travail, votre indulgence et votre bonté l'ont grandement facilité. Et si le nom d'Adélaïde honore ces modestes efforts, il restera à jamais gravé dans mon coeur. Avec mes plus profonds respects, je reste votre très humble, très obéissant et très petit serviteur,
J.G. Wolfgang Mozart.»
Ce «J.G.» signifiait «Johann Gottlieb», Mozart ayant adopté «Gottlieb» comme traduction d'«Amadeus». Selon John N. Burk, de Boston, cette lettre était annexée au manuscrit original, qui aurait été confié à une dame d'honneur nommée Montmorency lorsqu'Alelaïde s'est enfuie à Trieste suite à la Révolution française. Madame Montmorency surviva au renversement de la monarchie, de même que cette oeuvre, qui fut transmise à travers des générations de ses descendants, si l'on en croit la légende d'Adélaïde. La «redécouverte» tardive de l'origine de l'oeuvre - inconnue jusqu'au milieu du XXe siècle - serait due au fait qu'un portrait d'Adélaïde fait par J.M. Nattier représente la princesse avec son violon et une partition qui semble être de la main de Mozart. Burk note que la peinture est «si méticuleusement brossée que la signature de Mozart est presque lisible».
Alfred Einstein, l'autorité par excellence en tout ce qui concerne Mozart, n'était pas d'accord avec cette historiette. Dans son édition Breitkopf & Härtel de 1937 du catalogue Köchel, il mentionne la dédicace comme étant «suspecte» et qualifie l'attribution à Adélaïde de «fallacieuse». L'opinion catégorique du Dr Einstein mérite d'être examinée de plus près; il s'agit d'une pique personnelle. On nous dit qu'il a approché le collectionneur parisien qui prétendait posséder la partition autographe et qu'il s'est vu refuser l'autorisation de l'étudier. L'affront était certes un motif de prudence, mais il n'y a toujours pas de preuve dans un sens ou dans l'autre, si ce n'est une incohérence apparente dans la chronologie de la composition: Einstein insista sur le fait que Mozart n'est arrivé à Versailles que plusieurs jours après la date supposée de l'inscription. Le cas d'Adélaïde restait, pour lui, une «mystification».
Le Concerto aurait été écrit dans la tonalité de ré majeur pour un “petit violon“ ou “violon de dame“ - avec un accompagnement modeste, un ensemble composé de deux hautbois, deux cors et des cordes. Le manuscrit «redécouvert» au début du XXe siècle n'était toutefois pas en état d'être joué. Il avait été écrit sur deux portées, l'une pour le violon et le tutti, l'autre pour la basse. Il restait à Marius CASADESUS de l'orchestrer dans le style mozartien, en transposant vers le bas la partie de violon haute destinée au petit instrument de la princesse. Les trois cadences furent écrites par Paul HINDEMITH.
La construction de ce concerto est classique-orthodoxe, avec une adhésion stricte aux concepts développés par Johann Christian Bach dont Mozart était l'héritier spirituel. Les trois mouvements sont désignés Allegro, Adagio et Allegro. Sur le plan technique, à aucun moment le soliste n'est vraiment mis à l'épreuve; la plupart du temps, la ritournelle porte la ligne et lui donne toutes les occasions de s'élever dans des envolées d'un lyrisme chantant, s'entrelaçant avec grâce comme il sied à la noble dame pour laquelle le rôle fut taillé. L'écriture n'est pas d'une grande originalité, mais on y trouve plusieurs signes annonciateurs du compositeur qui allait bientôt s'approprier la forme du concerto. Et il y a une chaleur omniprésente qui compense largement le manque de pyrotechnie violonistique traditionnelle. »»
Tel était l'état des connaissances au début des années 1950... "[...] c'est seulement en 1977, à cause d'un conflit de droit d'auteur, que Marius Casadesus a admis sa qualité d'auteur de cette prétendue oeuvre de «Mozart».
Le «Concerto Adélaïde» est parfois à tort attribué à Henri Casadesus, frère de Marius, peut-être en raison des nombreuses autres fausses pièces de musique que lui et d'autres membres de la famille Casadesus ont composées sous les noms de Johann Christian Bach, George Frédéric Haendel, et d'autres compositeurs. [...]" cité de cette page de Wikipedia.
Après avoir été classé comme KV Anh. 294a dans la troisième édition du catalogue Köchel des oeuvres de Mozart, l'oeuvre obtint sa désignation actuelle dans la sixième édition du catalogue Köchel, KV Anh.C 14.05, donc dans l'annexe C prévue pour recenser les oeuvres attribuées à un moment à Mozart ou qui sont d'attribution douteuse.
Dans cet enregistrement fait pour le label Concert Hall le 22 juillet 1952 dans l'Église Néo-Apostolique de Hilversum (*), Louis KAUFMAN est accompagné par un orchestre nommé «Netherlands Philharmonic Orchestra» (**) placé sous la direction d'Otto Ackermann.
Wolfgang Amadeus Mozart / Marius Casadesus, Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, KV Anh. 294a / KV Anh. C 14.05, dit «Concerto Adélaïde», Louis Kaufman, violon, Netherlands Philharmonic Orchestra, Otto Ackermann, 22 juillet 1952, Église Néo-Apostolique de Hilversum
Provenance: Radiodiffusion (Concert Hall Release G-10)
(*) date et lieu d'enregistrement d'après cette page du site de la Phonothèque Nationale Suisse
(**) «Netherlands Philharmonic Orchestra»: il s'agit d'un orchestre formé pour l'occasion, apparaissant très souvent dans les enregistrements Concert Hall & Sociétés affiliées, et non d'un précurseur de l'orchestre portant actuellement ce nom (Nederlands Philharmonisch Orkest), fondé bien plus tard, en 1985.
D'après cette page de Wikipedia c'est l'Orchestre Symphonique d'Utrecht (dont le chef à cette époque était Paul Hupperts) qui formait l'essentiel du «Netherlands Philharmonic Orchestra».