Hector BERLIOZ
Trois extraits orchestraux de la Damnation de Faust, Op. 24, H 111
Orchestre de la Suisse Romande
Pedro (António da Costa) de FREITAS BRANCO
21 novembre 1956
Par sa vie comme par ses oeuvres, Hector Berlioz (1803- 1860) est le prototype du romantique. Ceci n’indique pas chez lui un romantisme sentimental et souffreteux, mais un jaillissement irrépressible, plein de sautes d’humeur et d’outrances folles. Il composa sa Damnation de Faust, opus 24, sur le thème du premier Faust de Johann Wolfgang von Goethe - une libre adaptation, par Almire Gandonnière et Berlioz lui-même, de la pièce de Goethe telle qu'elle avait été traduite par Gérard de Nerval en 1828. L'oeuvre est sous-titrée „Légende dramatique en quatre parties“, elle fut donnée en première audition à Paris, à l'Opéra-Comique, le 6 décembre 1846.
Si l'oeuvre est assez peu souvent donnée en entier, plusieurs fragments en sont souvent joués en concert, tels que la Danse des Follets, la Dance des Sylphes et la Marche hongroise, qui sont des pièces purement orchestrales.
La Danse des Follets provient de la troisième partie de la Damnation de Faust, faisant suite à l’invocation de Méphistophélès aux follets de venir ensorceler Marguerite avant sa rencontre avec Faust. D’un caractère spirituel et aigrelet,cette Danse des Follets est un sortilège de Méphisto; il appelle ses lutins, ils accourent par la voix de trois flûtes aux notes aiguës et dansantes, mais bientôt disciplinées dans le cadre d’un menuet classique. En effet, la voix du maître est impérieuse: „Esprits des flammes inconstantes, accourez, j’ai besoin de vous; follets capricieux, vos lueurs malfaisantes vont charmer une enfant et la mener à nous. Au nom du Diable, en danse! Et vous, marquez bien la cadence, ménétriers d’enfer, ou je vous éteins tous!“ (source). Après le menuet, les flûtes s’envolent en une brève ronde frénétique, ponctuée de cuivres sarcastiques: le Diable est content.
La Danse des Sylphes est tirée de la deuxième partie de la Damnation de Faust, vers la fin de la scène VII (Au bord de l’Elbe), suivant le long choeur de Gnomes et de Sylphes. C'est une merveille de délicatesse; les violons jouent en sourdine, accompagnés par la harpe; leur nombre décroît progressivement, tandis qu’une flûte apparaît, répondant à la harpe; aux accents de cette angélique berceuse suscitée par le Démon, Faust s’endort: quelques notes s’attardent, et tout s’éteint.
La Marche hongroise termine la première partie de la Damnation de Faust. Son décor: les plaines de Hongrie. C'est le début du printemps, Faust chante sa solitude dans la nature. Au loin, des paysans dansent (Choeur des paysans) et un défilé de soldats se préparant au combat surgit: c'est là que se situe cette „Marche hongroise“, ou „Marche de Rakoczy“.
La génèse de cette marche mérite d’être contée. Alors que Berlioz se préparait à une tournée en Hongrie, un ami lui remit un recueil d’airs folkloriques de ce pays, avec ce conseil: „Si vous voulez faire plaisir aux Hongrois, écrivez un morceau sur un de leurs thèmes nationaux“. Pour la suite de l’histoire, personne mieux que Berlioz ne saurait décrire le concert donné à Pest:
„Le jour du concert, une certaine anxiété me serrait la gorge quand vint le moment de produire ce diable de morceau. Après une sonnerie de trompettes dessinée sur le rythme des premières mesures de la mélodie, le thème parut, exécuté “piano” par les flûtes et les clarinettes, et accompagné par un pizzicato des instruments à cordes. Le public resta calme et silencieux à cette exposition inattendue; mais quand, sur un long crescendo, des fragments fugués du thème reparurent, entrecoupés de notes sourdes de grosse caisse simulant des coups de canons lointains, la salle commença à fermenter avec un bruit indescriptible; et au moment où l’orchestre, déchaîné dans une mélée furieuse, lança son fortissimo si longtemps contenu, des cris, des trépignements inouïs ébranlèrent la salle; la fureur concentrée de toutes ces âmes bouillantes fit explosion avec des accents qui me donnèrent le frisson de la terreur; il me semble sentir mes cheveux se hérisser, et à partir de cette fatale mesure, je dus dire adieu à la péroraison de mon morceau; la tempête de l’orchestre était incapable de lutter contre l’éruption de ce volcan dont rien ne pouvait arrêter les violences. Il fallut recommencer cela se devine; et la seconde fois ce fut à grand' peine que le public put se contenir deux ou trois secondes de plus qu’à la première, pour entendre quelques mesures de la “coda”... Bien me prit d’avoir placé à la fin du concert la “Racokzy indulo” (c’est le titre du morceau en langue hongroise), car tout ce qu’on aurait voulu faire entendre ensuite eût été perdu! “ (source).
Pour le compte-rendu de Franz WALTER publié en page 8 du Journal de Genève du lendemain, voir cette page de mon site
Hector Berlioz, Trois extraits orchestraux de la Damnation de Faust, Op. 24, H 111, Orchestre de la Suisse Romande, Pedro (António da Costa) de FREITAS BRANCO, 21 novembre 1956
1. Danse des Follets 05:52 (-> 05:52)
2. Danse des Sylphes 02:00:550 (-> 07:52:550)
3. Marche hongroise 04:38:450 (-> 12:39)